Shortbreads time ! (ft monsieur Witoslaw)

L’un des traits de caractère appréciable chez le garde-chasse, c’est qu’il n’était pas rancunier. Cette sombre retenue, parsemée de questions embarrassantes, n’était pas oubliée, mais c’était déjà de l’histoire ancienne. Il estimait avoir une part de responsabilité dans ce qui s’était passé et que c’était, une fois de plus, la faute de sa langue trop bien pendue. Igor devrait vraiment apprendre à se taire. Pour son bien, comme pour celui des autres. Il n’avait rien prévu en particulier et vaquait à ses habituelles occupations. Ce n’était pas la tâche qu’il préférait, mais on l’avait appelé pour débarrasser une vieille salle de lutin. Le terrain de Quidditch avait également besoin de se préparer au premier match inter-maisons de l’école, alors il avait contribué à apporter, avec Spoutnik, les plus beaux fanions et drapeaux.

Il n’avait donc pas eu le temps de chômer et ce soir, Ô miracle, personne ne l’avait affublé d’un ou deux collés. Malgré cela, il n’est pas nécessaire d’être puni pour lui rendre visite. Pour preuve, alors qu’il était en train de préparer son thé, on vient de toquer à sa porte. Spoutnik avait redressé la tête, tout aussi interloqué que son dresseur et finalement, il avait ouvert la porte en posant son torchon sur son épaule.
L’odeur des gâteaux avait probablement affolé le chien, très intéressé par ceux-ci, puisqu’il ne fallut pas longtemps avant que le drame ne survienne. Face à cela, Igor affichait une mine à la fois désolée et embarrassée. « D-désolé… Spoutnik, aux pieds. » ordonne-t-il, près à gronder son chien, mais celui-ci sait pertinemment que ça ne durera que quelques secondes histoires de, puis il sera pardonné.

Néanmoins, pour lui faire comprendre que ce n’était pas bien, Igor était allé chercher le gâteau volé dans sa gueule et avant qu’il n’ait fini de le manger, il l’avait privé de celui-ci. « Avant de te servir la prochaine fois, tu demanderas. Méchant chien. » Il lui donne une petite tape sur le museau, puis le Terre-Neuve s’en retourne sur sa carpette, déçu et attristé. Il ne s’est pas fait rabrouer, mais il aurait probablement préféré si cela lui avait permis de garder son butin.

Ce qui ressemble de très loin désormais à un Shortbread meurtris à coup de bave et de crocs avait été déposé à côté de l’évier. Igor se rinça les mains à celui-ci et pour tout avouer, il comptait le redonner à son chien après. « Bonsoir Kesha, tu as be-besoin de quelque chose ? » L’appréhension le saisit et lui fait une boule au ventre. Comme à chaque fois que quelqu’un vient dans son cocon. Ça ne dure jamais. Sauf si la conversation tourne au désastre. « J-je viens de faire du thé, tu en veux ? » Cette timidité ne doit pas l’empêcher de recevoir et c’est donc un peu maladroitement que Igor propose du thé à Kecha, pour que sa visite se fasse d’en d’agréable condition.

Kesha commençait très bien son entretien avec Ingward, puisque face à cette fameuse règle des cinq secondes énoncée, le garde-chasse n’avait pas pu s’empêcher de sourire et de répondre : « Oui, je la connaissais. On raconte que cette règle aurait été dictée par un Elfe de Maison maladroit des Cuisines de Poudlard et que ce serait pour éviter de se faire taper sur les doigts qu’il l’aurait proposé. » Cette règle était aussi d’actualité, lorsqu’il était lui-même élève à Poudlard et excusait beaucoup de ses maladresses en cuisine.
Tout le monde était installé autour de sa modeste table en bois, même Spoutnik. Le chien avait d’ailleurs grandement apprécié la délicate intention de Kecha. Cependant ce chien est un peu sournois quand il le veut et en voyant que le pardon avait été acquis du côté du demi-vampire, le voilà à couiner pour récupérer le gâteau. Un couinement déchirant, digne de la plus grande tragédie canine et dont Igor lui-même ne résiste pas longtemps. Il lui rend son gâteau et se permet même de lui donner le sien, alors qu’il venait de l’entamer.

« Donc il… Il t’a dit… » Nul besoin d’être un grand empathique pour voir la déception se tracer sur le visage du garde-chasse. Naïf comme il était, il pensait que Sacha garderait tout pour lui et qu’il ne partagerait rien de ce qui s’était dit. Pas même à son jumeau ! Or, à en juger par l’attitude de ce dernier, ce n’était pas le cas. Ingward était donc assez mitigé entre le malaise, la déception et la stupidité. Il ne répond pas immédiatement à Kesha, préférant chercher du réconfort dans le décor tout autour d’eux.

Si sa cabane donnait l’impression d’être plus grande à l’intérieur, c’était probablement à cause de toutes ces fenêtres et ces plantes, qui donnaient la sensation d’avoir encore un pied dehors. On y trouvait de tout, des plus classiques comme des bégonias, des géraniums, de la passiflore ou des herbes aromatiques, jusqu’aux plus exotiques, comme une pousse de bananier ou des plantes grasses.
L’une de ses mains vient s’accrocher à sa tasse, tandis que l’autre ajoute une cuillère de miel. Un pot qu’il avait mis à disposition sur la table, à côté du sucre et du lait. C’est la première fois que Kesha venait prendre le thé avec lui, alors il ne savait pas trop ce qu’il préférait. « N-non, je ne lui en veux pas plus … que ça… » Il accompagne sa réponse hésitante d’un signe négatif de la tête.

Il y avait une impression de faux qui donnait un cachet mensonger à sa réponse. Ce n’est pas tant parce qu’il souhaitait mentir, mais plutôt parce qu’il voulait se convaincre lui-même de ne pas en vouloir au frère de Kesha. « Je ne vois pas p-… pourquoi je devrais lui en vouloir. Cela dit, j’aurais aimé que… Enfin… Qu’il garde ça pour lui… Tant que ça ne s’ébruite pas. » Igor baisse les épaules et semble totalement dépassé par la situation. Au lieu d’un, c’était deux personnes qui étaient au courant pour ses “travers”, dirons-nous. La belle affaire.

Diantre, c’est que Kesha allait réussir à le faire culpabiliser d’avoir un soupçon de rancune, à lui dire que c’était normal et lui parlait d’une chose que, en tant que fils unique, il ne peut, en effet, pas comprendre !

Igor devint à nouveau mutin, ne sachant quoi dire. Il avait la sensation d’avoir mal agi en se montrant un chouya rancunier et pourtant, c’est à lui que les excuses sont adressées. Le plus et le moins s’annulant, il reste neutre et n’ajoute rien. Si ce n’est un signe de tête, pour signifier à Kesha que c’était déjà pardonné. À vrai dire, c’était pardonné avant même qu’il n’entre chez lui pour lui présenter des excuses. Il avait simplement voulu être honnête, autant que l’avait été le demi-vampire à son encontre.
Sa main desserre un peu son emprise, parvenant à se détendre, puis il reprend d’un ton toujours aussi hésitant : « C’est un reproche ? » appuie-t-il, en rebondissant sur la fin de la phrase. Difficile de savoir sur quel pied danser. Tantôt ce sont des excuses, tantôt des piques et le tout dans la même tirade ; Il ne faut pas s’étonner si le garde-chasse ne sait pas quoi penser. Encore moins se risque à leur faire confiance.

Néanmoins ça n’est pas dit sur un ton de rancune. Igor semble même bien le prendre, conscient que sa langue a, encore une fois, fourché. Cependant sur ce point, son poste lui donne le droit de réprimande. À défaut de protéger sa vie privée, il protège cette forêt terrifiante et ses habitants. « Il pourra toujours chercher. Je lui ai dit qu’il y en avait ; Pas comment les trouver ni où ils sont exactement. D’autant que si par malheur, il échappe à ta surveillance, c’est moi et Spoutnik qui l’en sortiront. » C’était à son tour de rassurer Kesha. Après tout, Witoslaw n’est pas qu’un pleurnichard timide ! S’il a réussi à décrocher ce poste, c’est qu’il possède les qualités requises pour s’en charger.

La conversation prend une tournure plus enfantine et cela l’aide à définitivement se détendre. Ingward est même souriant et quelques rougeurs apparaissent sur ses joues, flatté que l’on apprécie autant son thé. « M-merci. En effet, tout ce que je mange ou bois vient de mon jardin. Ça m’aide à me changer les idées et à m’occuper. Tu devrais goûter à ceci d’ailleurs, ça se marie très bien avec tes gâteaux et le thé. » Il pousse un petit pot de confiture à la citrouille, puis reprend : « Ça serait avec plaisir pour le club, mais … Hm, disons que je préfère garder mes distances avec le professeur Wallace dorénavant. Nous… Nous nous entendons plus aussi bien qu’autrefois. Eh puis, j’ai suffisamment à m’occuper avec le mien. S’occuper des animaux de compagnie des élèves, ça demande beaucoup de temps. »

Trop de temps même, lorsqu’il faut courir après les évadés et les filous qui s’échappent.

« Pour en revenir aux plantes, j’ai de la chance. J’arrive à négocier pour en avoir. Celle que je préfère, c’est celle-ci. » Il désigne de la main un arbre miniature, un bonzaï, qui semble être un Bouleau. Ses feuilles étaient si brillantes, si dorées, qu’elles semblaient être faites en or massif. « C’est un Bouleau Alatyr’. Ses feuilles ne sont pas en or, rassures-toi. Sinon, je serais déjà riche. Mais si on les ajoute à un remède, elles ont la propriété de décupler les effets et de le rendre bien plus efficace encore. En les consommant seuls, elles gomment la fatigue d’un coup et apporte un coup de fouet énergétique. C’est un arbre qui vient de Pologne, on n’en trouve nulle part ailleurs. Ils sont normalement bien plus grands et plus hauts que ça, mais ça me permet de plus facilement le cacher. Si le Professeur Morente le voyait, je pense que je ne le reverrais plus. »

En parlant du Professeur Morente, non loin du fameux arbre, il y avait un pot de fleur qu’il aurait très certainement reconnu, car l’ayant confié à son collègue de magie noire pour se moquer de lui. Contrairement à ce qu’il lui avait dit, il ne l’avait pas écharpé. Il l’avait confié à quelqu’un de plus compétents pour que la plante ne meurt pas. À contrecœur, car Igor a probablement tanné celui-ci pour en avoir la garde. Une jeune Asphodèle qui semblait épanouie dans cette cabane, au point de fleurir.