Igor termine ses instructions et il avait cette petite pointe de fierté d’avoir réussi à faire rire Kesha, avec sa maigre tentative. Il y avait toujours une appréhension de son côté que son humour se confonde avec la moquerie, car se moquer des autres ne lui plait pas du tout. Il préfère les petites piques discrètes, mais efficaces. Il tend le parchemin à Kesha, puis se sert un shortbread. Avec tout ça, il n’en est qu’à son troisième ou quatrième. Son thé a même refroidi, mais ça ne semble pas le gêner.
Spoutnik, qui s’était fait oublier depuis sa bêtise, était revenu. Il pressentait que de l’eau avait couler sur les ponts et qu’il pouvait à nouveau pointer le bout de son museau pour mendier un autre petit pain. Lui-aussi, il les aime bien. Sans trop réfléchir, le garde-chasse en avait pris un pour le donner à son chien. « Comment tu demandes ? » Le Terre-Neuve s’assoie sur ses fesses et il donne sa patte à Igor en la posant sur sa cuisse.
« Ce n’est pas à moi qu’il faut demander, ce n’est pas moi qui les ai préparés. » Il fait un petit signe de tête à son chien en désignant Kesha, pour lui faire comprendre que sa patte, il doit la donner au demi-vampire. L’appât du gain étant plus fort et voyant que son maître donnait le shortbread à Kesha, Spoutnik s’était à peine levé pour se mettre à côté de Kesha. « Tu ne lui donnes que s’il te donne la patte. Mais gourmand comme il est, il va vite comprendre. » Eh puis, si cela peut permettre à Igor d’éduquer son chien et d’obtenir ce qu’il veut autrement qu’en bousculant son invité à l’entrée, c’était une pierre deux coups.
Un instant de coupure qui ne lui avait pas fait oublier la conversation. Le terme d’idiot était un peu rude à entendre pour Igor, mais c’était une impression très vite dissoute grâce à cet élan d’optimisme. Il parvenait à nouveau à sourire, même si c’était beaucoup plus timide que les premiers du début.
« Je n’essayais de te faire peur. Disons plutôt que si on se prépare mentalement de bonne heure à crouler sous le travail, il y a plus de chances qu’on soit agréablement étonné de la facilité. Ce sont les bons côtés de ne pas avoir toujours raisons ou de rester butté sur une seule idée. » Avant de continuer, le garde-chasse avait fait une petite aparté concernant ce “livre” qui semblait beaucoup plaire à Kesha. Une réaction en parfaite opposition avec son frère. « Je… Je n’ai lu que les premières pages par curiosité et je n’ai pas du tout accroché. Ce n’est pas… Du tout mon genre de littérature. D-désolé. » Il était gêné de l’avouer, car Kesha semblait très passionné par ce livre, alors que du côté d’Igor, ce serait plutôt : Une suite ? Pitié, non.
Il avait néanmoins fait la sourde-oreille sur la remarque concernant le physique. C’était ; Dur à entendre pour Igor, Kesha qui se dévalorisait, alors que si on mettait de côté sa pâleur excessive et ses cernes, il était tout de même vachement plus passe-partout que le garde-chasse, qui n’avait même plus le droit d’aller dans le monde moldu.
« Je n’en doute pas. Tu as l’air très motivé, c’est une bonne chose. Le dernier conseil que je pourrais te donner, c’est de travailler ton apathie. C’est un peu cruel dit comme ça, mais justement ; Parce que tu ne pourras pas sauver tout le monde, il faudra que tu apprennes à avoir un certain détachement. Que tu ne t’attaches pas aux personnes que tu soignes, car certaines d’entre elles ne seront pas sauvables. » C’est froid, comme son thé. Pourtant, tout comme le boire, il continue en soutenant son conseil avec des exemples : « Tu vas rencontrer beaucoup de gens et si tu es trop empathique, tu vas te sentir mal pour une. Face à une seule, cela peut rester gérable. Maintenant imagines que dans un hôpital comme Sainte-Mangouste, ce n’est pas qu’une seule personne, mais des centaines qui seront ainsi, voir sur leurs fins de vie. Je ne dis pas qu’il faut être un monstre sans-cœur, mais il faudra trouver bien plus de courage que tu ne le penses pour annoncer à un proche, famille ou épouse, que celui qu’il voulait voire n’est plu. C’est la partie la moins agréable. »
Igor essaye d’alléger le sujet avec une maigre esquisse, mais c’était difficile. « C’est ce … qui m’a empêché de trouver du travail, malgré… mes compétences. Je m’attachais trop à ceux que je soignais. Parce qu’eux-mêmes me soignaient d’une certaine manière. »