Changement | ft. Alistaire

Dans quelques jours, ce sera son entrée à Poudlard. Hippolyte était sur la réserve à ce sujet. Il ne semblait pas particulièrement emballé par cette idée et en plus de cela, beaucoup d’appréhension traversait son esprit.  Il s’efforce néanmoins à trouver des qualités à sa condition. Par exemple, cela lui permettait de voir de ses propres yeux le fameux Chemin de Traverse et ses boutiques. Jusqu’à maintenant, il n’avait eu que des rumeurs, des critiques acerbes venant des autres élèves sur la propreté des lieux ou encore, le fait que les prix soient excessivement chers pour des fournitures scolaires.

« - Qu’est-ce que tu aimerais, tu as un mortier ? Est-ce qu’un nouveau balai te ferait plaisir ? Un sextant peut-être ?
- Hm, je ne sais pas trop, m’man. »

Le demi-vélane semblait gêné. Sa mère, quant à elle, avait l’air bien plus enthousiaste que lui, alors que ce n’était pas sa rentrée. Sans doute car elle était pressée qu’il découvre d’autres mœurs et coutumes du monde magique, mais aussi, parce qu’elle voulait se faire pardonner pour leur départ de la région pyrénéenne. Morgane De Pampelune était voilée. Son dos était légèrement courbé, elle avait la démarche d’une petite grand-mère, tant est si bien que s’il ne l’avait pas appelé “m’man”, il aurait été facile de penser que c’était sa mamie ou une grande-tante.
Hippolyte ne s’éloignait pas d’elle et lui prêter même son bras pour marcher à travers les rues pavées. La main de sa mère était particulièrement fripée et ses ongles, crochus, rappelaient les griffes d’une harpie. Son teint était grisâtre et sa voix morcelée par la vieillesse.

Il ne voulait pas que sa mère sacrifie ses économies. D’autant qu’il avait gardé la majorité de ses fournitures des années précédentes. Ce n’était pas un sagouin avec ses affaires et il avait tendance à remplacer uniquement lorsque la casse avait lieu.

Un balai lui fit de l’œil. Un balai excellent même, compte tenu de la marque, mais aussi du prix affiché en vitrine. Ce n’était pas la seule chose qui avait attiré son regard, puisqu’une plume à papotte faisait la démonstration d’une encre changeant de couleur. Une fantaisie qui avait plus à Hippolyte et il se voyait déjà embellir ses copies avec une telle encre. Morgane lui en voudra probablement s’il ne demande rien, alors il s’était tourné vers la “vieille” femme, la Vélane au cœur brisé, en pointant du doigts son choix.

« - J’aimerais bien avoir ceci ?
- Le balais ?! s’étonne-t-elle, manquant de faire un infarctus en voyant le prix.
- Oh non-non, pas le balai. L’encrier. En plus, Mirage a renversé le mien sur la table pendant les vacances, je n’en ai plus.
- Hm … D’accord ! Allons voir à l’intérieur s’ils en ont encore. »

Mirage, le chat de sa mère, particulièrement bien enrobé et tête brulée, l’avait bien aidé sur ce coup. Les deux créatures entrèrent à l’intérieur du magasin et ; il y avait beaucoup de monde. Ce n’était pas très étonnant, puisque cette boutique était touche-à-tout en termes de fourniture. Pris de curiosité pour un accessoire sorcier présenté, il avait touché un télescope en cuivre qu’il avait déplié et qu’il s’amusait à essayer, pendant que sa mère était occupée avec le vendeur.

Le fils attirait plus l’attention que sa mère et forte heureusement pour elle, même si ce n’était pas d’un grand soutien pour sa propre chaire, car cela lui permettait de passer incognito à côté de lui. Jusqu’à ce qu’un quiproquo la révèle au grand jour. Bousculé par un homme d’une carrure moyenne, mais à l’air malade, elle avait perdu son équilibre et sa main était venue chercher la première chose à laquelle se raccrocher. En l’occurrence, il s’agissait de la manche de ce même homme.

« - Je vous demande pardon, Madame. Avait-il balbutié, avant que ladite dame ne lui réponde.
- N-ne vous en faites pas. Il y a eu plus de peur que de mal. »

Morgane De Pampelune appréciait l’honnêteté et la politesse de cet homme, mais elle n’osait pas relever la tête pour le regarder. Si bien que ce dernier n’avait qu’une vue plongeante sur le sommet de sa tête, recouvert d’un tissu bleu abyssal. Hippolyte, ayant entendu le bruit et alarmé par celui-ci, s’était empressé de rejoindre sa mère. Il avait toujours le télescope en cuivre qui l’avait intéressé entre ses mains. Sous l’effet de la précipitation, il n’avait pas pensé à le reposer.
Son regard était posé sur cette main et il remarquait bien qu’elle nerveuse à l’idée d’être vue. Cela le mettait profondément mal à l’aise. Non pas parce qu’il avait honte de sa mère, bien au contraire même ! Mais parce qu’il n’aimait pas la voir dans cet état. « Attends, est-ce que tu peux lâcher cet homme, s’il te plait ? Tiens, tu as mon bras si tu veux. » Commença-t-il, alors que Morgane hoche la tête et accepte.

Même si cette boutique est fréquentée, que le brouhaha aurait pu les couvrir, les regards curieux sont inévitables. Une myriade d’yeux curieux s’était mise à les dévisager. Certains à côté d’eux, d’autres à l’étage, par-dessus la balustrade ou encore, le vendeur lui-même.

Hippolyte n’aimait pas plus cette position que les deux adultes. Néanmoins, fidèle à lui-même et aux enseignements de sa mère sur le contrôle de ses émotions, il s’efforçait à garder son calme et à rester maître de soi. « Oh tenez, vous avez fait tomber ce-… ceci ! » Le demi-vélane avait les mains prises, mais pour autant, il était tout de même parvenu à ramasser la carte lunaire. « C’est … Une carte d’astronomie, non ? C’est la première fois que j’en vois une ainsi. » Peut-être ait-ce intrusif, mais si cela peut permettre aux deux adultes de penser à autre chose qu’à ce petit incident, alors voici une jolie perche tendue par le jeune homme.

Morgane apprécie l’effort d’ailleurs, remerciant en silence son précieux garçon en desserrant son emprise sur sa main. Elle n’était pas très calée en astronomie, c’était plutôt l’apanage de son fils. Elle avait néanmoins suffisamment de vécu pour reconnaître les objets magiques qui lui étaient inconnus. « Oui, tu pourras être amené à en avoir besoin, mais c’est une carte qui permet de connaître les cycles lunaires. Est-ce que tu veux que je te prenne ce télescope ? » Hippolyte reste un peu idiot sur l’instant, ne voyant pas à quoi sa mère faisait illusion. Ce n’est qu’en posant ses deux yeux bleus sur l’outil entre sa main libre qu’il lui avait répondu « Ah non-non, je le regardais. J’ai pas pris le temps de le reposer. »

Le regard d’Hippolyte se pose d’abord sur cet homme, puis sur sa mère. L’ambiance n’est toujours pas au meilleur de sa forme, mais il peut néanmoins se targuer d’avoir détourné suffisamment bien le sujet pour que l’ambiance s’allège un tant soit peu. Il y a toujours ce problème notable de tous ses yeux qui les dévisagent, tous les trois, mais Hippolyte cherche un moyen d’esquiver le problème. Une fois la carte rendue et les explications fournies, il penche légèrement la tête sur le côté et dévisage cet individu fuyant.

« - Vous m’avez l’air bien pâle ? Est-ce que tout va bien ?
- Hippolyte, n’embête pas le Monsieur.
- Mais M’man, on dirait qu’il va s’effondrer sur lui-même. »

Le mot est prononcé et donc : non, ce n’est pas sa grand-mère, mais bien sa mère. Un détail anodin, mais qui fait percuter les plus connaisseurs dans les lieux. Les murmures se mettent à ruisseler comme la pluie sur les toits et un déluge de messe-basse se fait.
Ça n’arrangeait en rien les choses, car certains étaient horrifiés à l’idée qu’une créature magique, voir deux si on en croit les dire du jeune homme, soit dans la boutique. Quelques employés sont rebutés, allant jusqu’à accuser que c’est encore un coup de Monsieur Barjow pour saboter la concurrence. Le plus amusant, c’est qu’il y en avait trois et qu’elles étaient toute regroupée dans le même groupe. Mais ça ni Hippolyte, ni sa mère, n’en avait la moindre idée.

Hippolyte réalise tardivement qu’il n’était plus dans sa campagne française et que donc, il devait faire attention. Les murs ont des oreilles en ville et ce n’est pas rien de le dire. Il se raccroche à sa mère et à ses personnes non-hostiles (car oui, il y en a !) autour d’eux. Il leur adresse un sourire intimidé, se tournant alors vers le grand individu : « Ça ne vous gêne pas si on vous accompagne ? De toute évidence, il va falloir que nous nous dirigions vers la sortie également. Je peux même vous proposer mon aide pour porter vos achats, si vous voulez. »  

Morgane De Pampelune soupire et elle semble blessée. C’est comme si soudainement, elle agissait par dépit, sans doute touchée par l’innocence et la naïveté de son fils. Encore une fois, il essayait de faire diversion. Hippolyte savait sa mère excessivement complexée par son apparence et c’était même un acte de bravoure de sa part d’avoir voulu l’accompagner au Chemin de Traverse pour qu’ils puissent faire leurs achats ensemble.

Nul besoin de dire, donc, que le demi-Vélane se sentait extrêmement con, car il avait la désagréable sensation d’avoir gâché ses efforts. Sans plus attendre la réponse de l’homme, il se pressa donc (à allure modérer tout de même, pour que Maman De Pampelune puisse suivre) vers le comptoir où il déposa ses achats. Cette fameuse encre multicolore, qui relevait de la fantaisie, mais aussi ce télescope en cuivre finalement. Il était dans ses mains et ils s’étaient faits suffisamment remarquer ; Il allait devoir attendre encore un peu pour le balais.

Deux-trois mois ? Le temps de se faire oublier ? Ou alors, il va devoir investir dans une chouette pour se faire livrer.