Ce serait un euphémisme de dire que Liang était nerveux.
Il avait été une véritable boule de nerfs lorsqu’il avait commencé l’école sorcière quand il venait tout juste d’avoir sept ans, et huit ans plus tard et la tête pleine de préoccupations, il en était toujours une. Et s’il n’arrivait pas à se faire le moindre ami? Et si tout le monde le détestait et le trouvait étrange? Et si les gens d’ici étaient tout simplement
trop différents? Et si jamais il avait oublié quelque chose d’important chez lui lorsqu’il faisait ses valises -
oh, se connaissant, c’était
définitivement le cas.
Puis, planant au-dessus de tout le reste, se trouvait ce mélange de culpabilité et d’inquiétude viscérale qui le prenait chaque fois que ses pensées s’arrêtaient sur son père, qui allait devoir rester seul dans leur appartement sans qui que ce soit pour lui tenir compagnie jusqu’à ce qu’il revienne pour les vacances.
En plus de tout le reste, il était
épuisé, ayant à peine été en mesure de fermer l'œil la nuit dernière. Surtout que même s’il n’était pas si tard que cela à Londres - il restait encore un peu de temps avant que ne sonnent les onze heures annonçant le départ du train - la soirée avait déjà débuté chez lui lorsqu’il se préparait à partir. Vraiment, Liang ne pouvait qu’appréhender le décalage horaire qui allait commencer à se faire sentir une fois qu’il allait arriver à sa nouvelle école; il aimerait
vraiment pouvoir éviter de s’endormir la tête première dans son bol de soupe dès la rentrée.
La température ne l’aidait aucunement à se sentir rassuré par l’entièreté de la situation. Froide et nuageuse, c’était suffisant pour que la chaleur tropicale de son pays natal lui manque déjà alors qu’il venait tout juste d’en partir. Mais enfin, au moins, après ses deux premières visites à Londres un peu plus tôt le mois dernier, il s’était assuré de se vêtir pour l’occasion, la fleur qu’il avait mis dans ses cheveux s'agençant au léger manteau qu’il avait enfilé avant de passer par la cheminée.
Mais malgré tout les doutes qui l’animaient, il était tout de même là, ayant enfin traversé la
très étrange barrière qui séparait la garre entre le côté moldu et la plateform réservés aux sorciers après être parvenu à trouver en lui cette détermination qui l’avait poussé à demander à transférer à Poudlard quelques mois plus tôt. Il s’était rendu à la station Kings Cross de lui-même; rien de surprenant, vraiment, s’étant répété que ça ne le dérangeait pas de ne pas être accompagné,
juré. Et avec Xiu-Ying dans l’une de ses poches et habillée de ses plus beaux petits habits, ce n’était pas comme s’il était réellement seul. Pas tant qu’elle était avec lui.
Il s’était assuré de conserver une appearance aussi normale que possible lorsqu’il s’était mêlé aux moldus - rien de bien différent de lorsqu’il avait à sortir dans son village -, passant sans doute
un peu trop de temps à essayer de se retrouver dans le labyrinthe de la station. Il n’avait jamais actuellement
vu de véritables trains avant aujourd’hui - le chemin de fer était un peu trop loin de là où il habitait - et essayer de trouver la plateforme 9 ¾ était loin d’être chose aisée.
Si c’était là un échantillon de l’humour sorcier Britannique, Liang avait presque peur de voir ce qui allait suivre; courir à travers un
mur? Il tenait à la vie,
merci bien.
Et, comme pour empirer les choses, ses bagages étaient tellement
lourds et
encombrants.
La première chose que Liang avait fait une fois qu’il eut terminé d’observer le Poudlard Express dans toute sa splendeur fut de demander au premier étudiant plus âgé qui avait l’air raisonnablement musclé s’il voulait bien l’aider à transporter sa valise, le remerciant au moins trois fois alors que ce dernier traînait ses bagages dans les escaliers du train parce que ‘
je pense que si j’avais essayé de transporter tout ça par moi-même, j’y serais encore la semaine prochaine. Je te jure que j’ai pas empaqueté tant de choses que ça, pourquoi est-ce que c’est si lourd?’
C’était d’ailleurs une bonne chose qu’il ait réussi à trouver une âme charitable, car il n’y avait vraiment
aucune chance qu’il ait réussi à avancer dans le chaos qui semblait animer le couloir du train s’il avait eu à transporter une valise qui devait faire au moins le double de son poids. La preuve, voilà que ses yeux se posaient sur un élève, étendu de tout son long par terre, sans doute tombé dans le bordel général de la rentrée.
Sans même prendre la peine d’y réfléchir, Liang lui tendit une main afin de l’aider à se relever, geste qu’il ne manqua pas de regretter lorsque, dans son empressement, il trébucha contre sa valise que son sauveur du moment était toujours en train de transporter et s’étala pathétiquement sur le sol avec un cri particulièrement perçant à côté du pauvre gamin. Pas la meilleure des réactions, certes - mais quelle
honte, vraiment, c’était loin d’être la première impression qu’il voulait donner - , mais qui eut au moins le mérite d'alerter les autres étudiants qui s’avérèrent bien meilleurs que lui dans l’art de sauver les pauvres élèves à risque de se faire piétiner.
Éventuellement, Liang parvint à trouver le compartiment dont le numéro était inscrit sur le billet qu’on lui avait donné, laissant l’élève retourner à ses propres affaires avec un énième
‘merci, tu m’as vraiment sauvé la vie, je te serai éternellement reconnaissant, promis!’
Il allait
vraiment falloir qu’il le retrouve une fois arrivé à Poudlard pour lui donner quelque chose afin de le remercier de l’avoir sauvé de cette terrible torture qu’était le transport de sa valise.
Ouvrant la porte avec un ‘
Hello!’ retentissant, Liang s’arrêta net, ses cheveux prenant cette teinte de gris clair qui trahissait sa surprise de façon bien plus efficace que le clignement un rien confus de ses yeux. Regardant derrière lui en laissant échapper un ‘
ah?’ comme pour s’assurer qu’il n’avait pas, pour une raison quelconque, été transporté à Mahoutokoro lorsqu’il ne portait pas attention, il finit par reposer son regard sur les occupants de la cabine, les dévisageant un à un le temps d’un court instant avant de réaliser que
non, il n’était pas en train d’halluciner et que
oui, son professeur de potions et deux autres des étudiants de son ancienne école étaient bel et bien installés sur les banquettes afin d’eux aussi se rendre à Poudlard.
Du gris de la surprise au violet de la confusion, la palette de sa chevelure finit éventuellement par s’arrêter sur l’orange de l’excitation, la couleur particulièrement criarde qu’il pouvait apercevoir dans le reflet de la fenêtre du train ne manquant pas de le faire grimacer intérieurement - ça n’allait pas
du tout avec les vêtements qu’il avait décidé de mettre ce matin,
mais quelle horreur. Ce n’était toutefois pas suffisant pour attiser la chaleur qui se répandit dans sa poitrine à la vue de l’un de ses enseignants favoris, de même que l’un des élèves qu’il considérait comme l’un de ses amis. Tous ces moments qu’il avait passé avec William dans la bibliothèque de Mahoutokoro devaient bien compter pour quelque chose, pas vrai?
Et Liam… enfin. À ses yeux, Liam était un peu cette boîte de Pandore un rien terrifiante qu’il valait mieux éviter d’ouvrir - vraiment, Liang ne pouvait qu’être rassuré de savoir qu’au moins, un adulte était présent avec eux dans le compartiment au cas où les choses décidaient de dérailler - mais ça ne voulait pas dire qu’il n’était pas rassuré de voir qu’il semblait bien aller après tout ce temps.
Parce que ça faisait un bon moment depuis la dernière fois qu’il avait vu les jumeaux.
C’était probablement un rien égoiste de sa part, considérant les circonstances de leur départ - leur
renvoi - de Mahoutokoro, mais une partie de lui ne pouvait s’empêcher d’être soulagé qu’ils n’aient pas été là durant les quelques derniers mois de l’année scolaire qui venait de se terminer. C’était juste tellement plus
simple de recommencer
ailleurs quand les gens que vous connaissiez déjà n’avaient aucune idée de pourquoi vous aviez décidé de partir.
Et s’il était parfaitement honnête avec lui-même, il y avait quelque chose de rassurant dans l’idée que ce n’était pas absolument
tout ce qu’il avait connu jusqu’à présent qui allait être différent.
Déposant sa valise juste à côté de la porte d’entrée avec un soulagement presque palpable et balançant son sac sur le dessus de cette dernière, il se laissa tomber sans ménagement sur la seule place encore libre, s’étendant à moitié sur professeur Katsuragi avec ‘
ah, pardon!’ lorsqu’il bouscula le livre qui se trouvait sur les genoux du sorcier. Puis, respirant profondément, il tenta de calmer ses émotions qui lui semblaient presque à fleur de peau, parce qu’il était
hors de question qu’il ressemble à une tangerine pour le reste du voyage,
non merci.
-
Ah, euh, bonjour? Je- ah, j’aurais pas cru qu’on allait se recroiser. Ça fait une éternité depuis la dernière fois qu’on s’est vu, j’ai même pas eu la chance de vous dire au revoir! fit Liang à l’intention des jumeaux - un plus que l’autre, s’il était parfaitement honnête -, s’adressant à eux en Japonais par habitude.
Enfin, j’imagine que c’est pas si surprenant que vous aillez décidé de changer d’école considérant la, euh, situation, termina-t-il un peu platement avec un vague geste de la main en évitant de regarder les deux élèves de trop près.
Parce que parler de leur renvoi ne faisait que lui rappeler la raison de ce dernier, et le simple fait de
penser à la magie noire était suffisant pour qu’un sentiment d'inconfort grandisse au creux de son estomac, un fait qui n’était en rien aidé par le talisman qu’il pouvait voir sur leur visage. Sur
les deux, ce qui, vraiment, était une surprise parce que si c’était quelque chose qui ne l’étonnait peut-être pas tant venant de Liam, William ne lui avait jamais donné l’impression de s'intéresser à… ce genre de chose.
Enfin, pas que ce soit important; pas maintenant, du moins.
Se saisissant de son sac afin d’avoir quelque chose pour s’occuper les mains, la moitié du contenu de ce dernier s’étala par terre dans son empressement en un mélange de livres, plumes et autres items en tout genre. Jurant entre ses dents dans sa langue natale, Liang s’empressa de tout ramasser avant de déposer ses effets personnels à côté de lui en un triste tas informe. Une balle de laine jaune et ses aiguiilles à tricoter à la main, il s’adossa confortablement contre le bras de son professeur.
Peut-être pourrait-il faire un jouet pour Gribouille? Il était sûr que le chat allait apprécier l’offrande, et la petite boule de poils ne méritait que ce qu’il y avait de mieux.
-
Bref, je suis sûr qu’on va avoir amplement l’occasion de rattraper le temps perdu. Vous savez combien de temps le trajet est supposé durer? Ah, franchement, c’est bien pour une fois de ne pas avoir à s’inquiéter de tomber des pétrelles juste pour aller en cours. Sérieusement, je suis surpris que personne ne se soit encore cassé la gueule en chemin par accident. Et vous, fit Liang à l’intention du seul adulte de la cabine, enfonçant l’extrémité de l’une de ses aiguilles dans l’épaule de celui-ci afin d’être sûr qu’il avait son attention.
Comment ça se fait que vous soyez là? Je pensais pas que vous alliez transférer pour aller enseigner dans une autre école, vous ne l’avez pas mentionné la dernière fois que je suis passé dans votre bureau! À moins que… est-ce… est-ce que vous avez été renvoyé? Est-ce que vous avez besoin que j’envoie une lettre au directeur de Mahoutokoro pour expliquer la terrible erreur qu’ils ont commise histoire de rectifier cette horrible injustice et leur dire à quel point vous êtes un bon professeur pour qu’ils vous ré-engagent? Ah! Je veux dire, pas que je veuille que vous retourniez au Japon, je suis heureux de voir que vous allez enseigner à Poudlard puisque je vais y être aussi, et même si vous aimez les trucs chelous et dégoûtants, vos cours sont tout de même intéressants. Je suis sûr qu’ils sont d’accord avec moi, pas vrai? ajouta-t-il en désignant les jumeaux du menton.
Et vraiment, il ne pouvait empêcher l’étincelle de joie qui s’allumait en lui devant le fait qu’il allait toujours être capable de passer du temps avec son enseignant, parce que pour être honnête, il ne suffisait que de regarder ce dernier pour réaliser que oui, Liang avait encore
beaucoup de travail à faire en ce qui concernait… l’entièreté du professeur Katsuragi.
Semblait-il d’ailleurs qu’il n’était pas le seul qui était heureux de le voir; de sa poche, on pouvait voir dépasser la tête de Xiu-Ying, son regard affamé fixé sur le sorcier comme si elle cherchait quelque chose. Quelque chose dont l’identité était loin d'échapper à Liang, ce dernier ne pouvant que remercier la clémence divine de Guanyin qu’il n’ait pas encore entraperçu les multiples pattes velues de cette
monstruosité.
⚝ ⚝ ⚝
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