Personne pour dire "shhh" ? | ft. Kecha

Si la salle commune des Gryffondor était particulièrement confortable et conviviale, elle manquait néanmoins de calme à son goût. Hippolyte avait conscience que les lions n’étaient pas les plus disciplinés dans leurs études et qu’ils préféraient l’action. Ce qui ne le dérangeait pas en soi ! C’était même distrayant et il se prêtait au jeu. Il essayait de sociabiliser un maximum avec cette seconde famille. C’était ainsi qu’on lui avait présenté les maisons, ce qu’elle devait être et ce qu’elle deviendrait dans son cœur plus tard. Cela dit, ça ne remplaçait pas la première et pour rédiger un courrier, c’était délicat. Il avait du mal à poser ses mots sur le papier à cause des bavardages trop près de son oreille et s’il répliquait un « Non, vous ne me gênez pas. » poli dès qu’on lui posait la question, c’était un petit bout de mensonge.

Il n’était pas suffisamment mauvais pour le dire, ou même l’admettre. Il préférait ranger son encrier et ramasser ses affaires. Le demi-vélane avait déserté la salle commune des Gryffondor pour se diriger vers la bibliothèque. C’était difficile de trouver un lieu plus calme que cet endroit. Seuls les cachots pouvaient dépasser la bibliothèque dans cette discipline.
Le bibliothécaire était un peu bizarre, mais pas méchant. Il avait fini par s’y faire, de voir cette tête blonde avec le blason des rouges et or venir chercher la quiétude pour rédiger son courrier et ses leçons. Il souhaitait s’asseoir à une table déjà occupée. Il y avait un jeune homme brun, un peu pâle et visiblement plongé dans sa lecture. Il l’avait vu tenté de consoler l’un des jumeaux, pendant qu’il était occupé à faire de son mieux de son côté avec Liam. Ou William. Il confond leur nom, mais au moins : il les a retenus !

« Bonjour. Ça ne te dérange pas si je m’assoie ici ? » lui demande-t-il avec une belle esquisse. Elle radiait de bienveillance et de clarté, comme si le soleil lui-même était en train de sourire à Kesha. Loin de se douter qu’il s’agissait d’un demi-vampire. Espérons qu’il ne le brule pas.

Toujours debout, Hippolyte ne s’assiéra pas tant qu’il n’a pas l’accord de ce Poufsouffle. Ses mains soutiennent ; un joli bordel qui tient en équilibre. Entre son encrier, son rouleau de papier et cette pile de livre, où il y avait probablement quelques ouvrages empruntés à cette bibliothèque, c’était à se demander comment il n’avait rien renversé encore. La légende raconte qu’en vérité, c’est déjà arrivé, mais qu’il avait tout nettoyé à la va-vite pour effacer l’encre sur les livres et sa robe de sorcier. Un petit coup de Récurvite et ça repart flambe en neuf !
« Je m’appelle Hippolyte et toi ? Je viens seulement d’arriver cette année. Je … Désolé si je m’invite un peu trop, euh… » Les souvenirs de son voyage en train le saisissent et la gêne fait surface. Ses yeux se détournent de cet autre élève et il essaye tant bien que mal d’effacer ces souvenirs d’un certain baiser dans le train et d’une chute dans le lac.

Je pourrais vous dire que présentement Hippolyte comprend la situation, car il y a été souvent confronté. Trop souvent, même. Mais ce n’est pas le cas. Il n’y a rien à y faire. Il est toujours étonné face à cette panique qui saisit son homologue, sans doute parce qu’il avait peur d’avoir encore changé de couleur et d’avoir déteint jusqu’à prendre celle d’un cadavre réanimé par les miracles de la nécromancie. Il mourrait d’envie de lui monter sa bonne foi, d’apaiser ses tourments soudains, mais ses bras étaient encombrés. Le demi-vélane n’y pensait que sa plume dans l’encrier venait chatouiller dangereusement le bout de son nez, comme pour lui dire “Pas trop à bâbord, mon chou sinon, je vire par-dessus bord.”

Sans doute n’imaginait-il pas que c’était le signe avant-coureur d’une catastrophe à venir. Le comble quand on a pris l’option Divination.

Le Poufsouffle se lève avec un panache et une précipitation telle, que le demi-vélane fait un brusque pas de recul et patatra, ce qui devait arriver arriva ; tout était tombé par terre. L’encre l’avait aspergé de ses genoux jusqu’à ses chaussures en tombant et ses livres se noyaient dans une eau noirâtre. Parmi eux, le début de sa lettre se trouvait, coinçait entre deux navires de savoir et se gorgeant pour mieux couler par le fond.
« C’est … » Pas grave ? Oui. C’est juste chiant, mais il se voit mal lui dire. Il avait déjà l’air de nous avoir quitté pour un monde meilleur, ça serait dommage de lui mettre le coup de ciseau final pour que son âme nous échappe définitivement et qu’il n’a plus qu’à l’emmener à l’infirmerie. Avant de perdre tout son encre, Hippolyte s’empresse de s’accroupir et de remettre la bouteille droite pour qu’elle cesse de vomir son contenu. « Bon ça c’est fichu, mais le reste est rattrapable. »

Il met de côté sa lettre qui n’avait plus qu’à aller au feu, tant les dégâts étaient trop importants pour être totalement nettoyer, puis il se mit à exécuter un gracile mouvement du poignet pour balayer les tâches d’encres sur ses vêtements, sur ceux du Poufsouffle (car il n’a pas été épargné par la bombe “Encrier”), sur son papier et sur ses livres. Qui n’étaient pas tous à lui, rappelons-le. « Voilà, comme s’il ne s’était rien passé. Sincèrement, vu le nombre de fois où ça m’arrive, je connais le sortilège de nettoyage par cœur *rire léger*. Je pense que tu devrais, hm ; Prendre un temps pour souffler. Je vais m’en vouloir si je t’ai chassé de ta place. Comment tu t’appelles ? »
Hippolyte POSE ses affaires, non pas au sol, mais sur la table pour éviter une nouvelle catastrophe. Il a néanmoins le réflexe de garder sa baguette en moins et le fait le plus important à noter ; c’est qu’à aucun moment, il y a eu du jugement dans son regard vis-à-vis du physique de Kecha. Parce que les jours où il va mal ou quand il pleure, qu’il est en colère, qu’il a la haine ; Kecha est assurément mille fois plus beau que lui dans ces moments-là.

Hippolyte sentait que sa présence gênée. Cela ne lui faisait pas particulièrement plaisir, mais ; il essayait de passer outre. C’était une réaction chez autrui qu’il provoquait très souvent, mais il ne pouvait pas éternellement fuir sous prétexte de les laisser tranquille. Il ne ferait pas deux fois la même erreur, car à cause de ce malaise qu’il provoquait chez les autres, il avait mis beaucoup de temps à se faire des amis à Beauxbâtons. Dans le cas contraire, il n’avait plus qu’à vivre seul dans son coin, loin de tout le monde et ça ne correspondait pas à son caractère. « Tu avais l’air plongé dans ton devoir quand je suis arrivé, alors j’ai trouvé ça bizarre que tu l’aies fini aussi vite. Quand il s’agit d’avoir bonne intuition, ou une mauvaise, je ne m’en sors pas trop mal. »
Il s’abstient de lui dire sans détour qu’il avait l’habitude. Pour une première impression, ce n’était pas top et ça lui mettrait la puce à l’oreille. Quoi que ; en vue du teint de son voisin et de ce qu’il vient de dire, Hippolyte sentait qu’il y avait moyen pour qu’ils s’entendent bien et puissent se comprendre.

Mais chaque chose en son temps.
« Enchanté Kecha. Je m’appelle Hippolyte. Je suis en 5e année, chez les Gryffondor. Si tu as une année de plus que moi, ça explique pourquoi je ne t’ai jamais vu en cours. » dit-il pour lui renvoyer la politesse, alors qu’il garde son attention rivée sur cette nouvelle feuille de parchemin vierge. Il avait un léger sourire sur ses lèvres, comme s’il était satisfait d’entendre que son vis-à-vis s’efforçait de lui parler, malgré la gêne que le demi-vélane provoquait chez-lui. Il saluait l’effort et en était flatté. Kecha lui proposait même de partager l’encre en guise de pardon. « Ah j’te remercie, je ne pense pas que j’en aurais eu assez. Je suis sûr que le jour où un sorcier inventera une plume avec l’encre intégrée dedans, en souvenir au nombre de fois où il a fait tomber son encrier, il fera fortune. » Un nouveau rire s’échappe de sa bouche, discret et léger.

Ce n’étaient pas les idées qui manquaient. Plutôt la détermination à les mettre en œuvre. Quoi que, il ne pourrait pas tous les mettre en œuvre, puisqu’il lui faudrait plus d’une vie pour. « Non, pas du tout. Très sincèrement, je préfère avoir un encrier renversé sur moi qu’un cognard en pleine tête. J’étais à Beauxbâtons avant, et toi ? Tu as toujours été scolarisé ici ? Tu dois connaître le château sur le bout des doigts, si c’est le cas. »
Le Gyrffondor veillait à parler à voix-basse pour ne pas déranger les autres élèves. Il y en avait un dans l’assemblée qui ne semblait pas facile. Il était d’ailleurs aussi pâle que Kecha et son regard, vide de vie, se posait sur eux à chaque fois qu’un mot était prononcé trop fort. C’était un élève, un plus âgé qu’eux encore, mais Hippolyte ne se préoccupait pas de lui. Ou du moins, il s’efforçait à ne pas le faire.

« Oui, j’ai souvent entendu parler de cette forêt depuis que je suis ici. Je ne suis pas très pressé de m’y rendre, je dois bien te l’avouer. » Elle le tuerait sans ménagement aux premières foulées. D’autant que si elle avait “Interdite” dans son nom, ce n’était probablement pas pour faire uniquement peur aux élèves, qui seraient trop curieux. Son regard ne quitte pas sa feuille des yeux. Il est figé sur ces mots qu’il écrit et il surveille ses propres gestes pour se concentrer, afin de ne pas faire une nouvelle bévue. Il a néanmoins un sourire ; Cela ne l’étonnerait pas, à vrai dire, que les professeurs eux-mêmes ne connaissent pas tous les secrets de ce château. « Le contraire ne m’étonnerait pas. C’est immense ici, alors ça me parait normal que même les adultes ne soient pas au courant de tout. Sauf le Garde-Chasse, peut-être. Surtout s’ils s’amusent eux-mêmes à rajouter des passages secrets chaque année. » Ça n’en finira jamais, mais c’est ce qui fait la beauté de ce château. Chaque année, chaque sorcier et sorcière ajoute une pierre supplémentaire à l’édifice qu’est Poudlard.

Hippolyte relève la tête à l’instant où Kecha l’interroge au sujet de la France. Cela dit, avant qu’il n’ait le temps d’y répondre, la langue de son vis-à-vis fourche et ses pensées s’échappent. Le demi-vélane n’est malheureusement pas surpris. C’est même ; Assez triste avec du recul. Il ne semble pas mal à l’aise, mais il ne semble pas flatté non plus. Il a l’air de chercher la meilleure manière de réagir face à quelqu’un d’aussi gêné. On pourrait même prétendre qu’il est assez froid, avec un œil plus mélancolique.
« Non, tu ne l’as pas dit à voix haute… » Souffle-t-il, avec l’ombre d’un sourire amer. Hippolyte ment, bien entendu. Mais il ment pour que ce camarade de révision ne tourne pas de l’œil. C’est pour ça qu’il l’a laissé venir à sa table ? Parce qu’il est beau comme un soleil ? Le voisin ne manque pas de réclamer le silence et le blond lui adresse un regard vide. Il ne voulait rien et tout dire à la fois. Est-ce qu’il avait vraiment besoin d’en rajouter une couche, celui-là ?

Le demi-vélane réprime un profond soupir et l’offre de Kecha lui permet de rebondir. À nouveau, un éclat l’envahie et il est sincèrement touché par cette proposition. « Je veux bien, pour gouter. Merci ! » Hippolyte saisit un des cookies aux noisettes et sitôt se met-il à grignoter, sa gourmandise fait surface. « Ils sont vraiment très bons, t’es super doué pour la pâtisserie. La dernière fois que j’ai essayé de faire à manger, ça a fini carbonisé. » Il tente de détendre l’atmosphère et en se rendant compte de son aveu, il se redresse et frictionne l’arrière de son crâne : « Ouai, j’ai beau être français ; je suis nul en cuisine. Il ne faudra pas compter sur moi pour ouvrir un restaurant. » Comme quoi, les clichés sur la France ne concernent pas tous ses habitants. Cela lui fait penser qu’il n’a pas répondu à ses questions. Avec tout ça. Il termine son cookie et repose son regard sur cette lettre qu’il était en train d’écrire. Très lentement. C’est à peine s’il avait écrit une phrase, depuis qu’il s’était installé.

« Disons qu’en France, tu en as pour tous les goûts. C’est très riche et très varié, que ça soit en termes de paysages, d’environnement ou de culture. Tu as même une région ensoleillée où tu peux avoir la montagne et la mer sur une seule photo. Quant à Morwenn, je la connais oui. Enfin ; Oui et non. Je ne lui ai jamais vraiment parlé. Ou plutôt, je n’ai jamais eu une discussion complète et régulièrement avec. Donc je ne la connais pas vraiment. Mais on vient de la même école et du coup, on s’est croisé plusieurs fois dans les couloirs en effet. »

Parler de ses racines l’inspire et sa plume se met à écrire. Hippolyte griffonne, écrit et finit par trouver les mots qu’il voulait envoyer à sa mère, pour lui dire que tout va bien. À quelques exceptions près, mais il ne s’attarde pas dessus. « Quant à Beauxbatons, c’est différent. Le maître mot de la directrice est “Noblesse”, alors on se doit d’être délicat dans tout ce qu’on entreprend. De notre façon d’écrire à notre façon de marcher, en passant bien sûr par l’utilisation de notre baguette. C’est très raffiné comme école. Très lumineux également. Il y a très peu de place pour l’esprit de compétition, car tout le monde est traité avec la même rigueur et la même discipline. »