Personne pour dire "shhh" ? | ft. Kecha

La conversation continue de se faire. Celle-ci a le mérite de détendre Hippolyte, même si ce n’était pas le plus nerveux des deux garçons. « On aura l’occasion de se voir pendant les vacances, alors. Si ta tutrice vit aussi en Écosse. Nous, on est à côté du Loch Ness. » C’était une invitation, mais Hippolyte n’avait pas songé à consulter sa mère avant. Il faut dire que c’était la première fois que l’idée lui traversait l’esprit depuis ; fort longtemps. Ne pouvant revenir sur ses paroles, le demi-vélane saisit la perche tendue pour un nouveau changement de sujet. « Ha ha ! Ça devrait aller. Il faut se dire que c’est une mise à l’épreuve et qu’il faut l’affronter avec courage. » Sa voix vacille, car il n’avait pas pensé à ça. C’est vrai qu’avec son raccrochage de dernière minute sur le rythme scolaire de Poudlard, il pensait naïvement échapper à une nouvelle fournée d’examen.

Du bout de son index, il se frotte l’index et son sourire prend une teinte nerveuse. Une teinte qui ne s’efface pas, quand il réalise avec la question de Kesha qu’il s’était démasqué tout seul. Trop tard pour reculer ou démentir, car ce n’était pas un idiot qu’il avait face à lui. Alors Hippolyte se contentait de sourire, d’attendre et de saisir l’occasion pour donner de plus amples explications.
Cela dit, il était rassuré quelque part. En termes d’aveux, le Poufsouffle apporte son lot également et qu’elle cocasserie ; puisqu’il faisait face à un demi-vampire. « De pieu ? » a-t-il eu le temps de soulever, les yeux ronds de stupeur face à la barbarie d’un tel souhait.

La suite n’était pas mieux, puisque Kesha était particulièrement cruel sur le choix des mots pour se décrire. L’espace d’un instant, Hippolyte semblait gêné. Est-ce qu’il avait si mal fait que ça ? Est-ce qu’il n’aurait pas mieux fait de se taire ? Une chappe de culpabilité tombe sur ses épaules et l’accable, à tel point qu’il ne trouve pas immédiatement les bons mots.

Il lui faut un peu de temps, avant que le demi-vélane finisse par reprendre la parole : « Tu sais, ce n’est pas que j’en ai marre ou quoi que ce soit. Ça me fait même plaisir, parfois. C’est simplement que je ne sais pas si c’est sincère ou bien si c’est parce que les gens sont ; comme sous l’effet d’un philtre d’amour. D’autant que je ne peux pas être triste, me mettre en colère, ou encore pleurer, car si j’ai des émotions trop fortes ; je deviens monstrueux, j’ai honte et ça finit dans un cercle vicieux. Ma mère m’a toujours dit qu’on devait rester neutre, presque apathique, en toute circonstance, sinon ça révèle notre vrai visage. Eh puis, les gens comme nous suscitent les jalousies, quand ce n’est pas la méfiance. On n’a le droit à l’amour qu’une seule fois et quand je vois aujourd’hui l’état de ma maman, j’ai très peur de tomber amoureux et de le perdre. »

Son sac se vide. Un peu trop facilement à son goût d’ailleurs et il en était presque gêné. Pour qui il doit passer ? Une princesse en détresse, face à un demi-vampire qui a bien plus de contrainte ? C’est ridicule. Alors Hippolyte s’empresse de rattraper le coup et reprend : « Enfin bref ! Tout ça pour dire que je pense que l’un comme l’autre, il ne faudra pas qu’on se prenne trop la tête sur les apparences. C’est surfait et superficielle. C’est ce qu’il y a à l’intérieur qui compte. » Le demi-vélane offre un sourire, puis adopte une posture presque complice en cessant de griffonner sur son papier et en demandant à voix-basse : « Y’a vraiment un concours de qui à les plus gros chez les vampires ? » Curieux, il se retient de rire en imaginant ceci, loin de se douter que sa question pouvait être à double-sens. « Ouai, à ce qu’il parait je suis moins beau que les authentiques, mais eh : entre nous, je ne passe pas des heures à me coiffer devant le miroir. J’ai autre chose à faire. T’imagine-toi ? Restez trois heures devant la glace à choisir ta coiffure du jour ? Non merci… » Un peu espiègle, Hippolyte avance ouvertement que les Vélanes étaient particulièrement narcissiques. Il avait ses petits temps “coquets” lui-aussi, mais ça ne durait pas toute une journée et ce n’était pas non plus tous les jours.

L’aveu eut le mérite de faire réagir Kecha au quart de tour. Un peu trop d’ailleurs, puisque le pauvre Hippolyte se retrouve asperger de quelques miettes. Rien qui le contrarie en somme. Il se contente de s’épousseter rapidement. Certes, il ne passait pas des journées entières devant un miroir, mais il aimait être propre. « Trop peu, je ne sais pas. Peut-être ? De ce que j’en ai lu, l’amour m’a tout l’air d’être un sujet compliqué. D’autant que oui, j’ai … beaucoup de déclaration à gérer et je t’avoue que sur ce point, je ne suis pas très courageux. Je l’admets. Je préfère la fuite ou l’esquive. » Un rire nerveux s’échappe et le demi-vélane se met à gratter sa joue. Le manque de connaissance et l’appréhension, endoctriné par sa propre mère, n’aidait pas à vouloir expérimenter quoi que ce soit sur ce point.

Que le sujet dérive vers les travers de leurs deux races respectives n’était pas une mauvaise chose. Hippolyte caressait le doux espoir de pouvoir mettre cette conversation de côté, fort mal à l’aise et loin de se douter qu’il n’en avait pas terminé.

Le témoignage de Kesha lui permet de mieux cerner les vampires. Une race extrêmement fière donc. Quelque part, cela ne l’étonne pas. Il a toujours vu les Vélanes et les Vampires comme deux facettes d’une même pièce. Deux clans rivaux, l’un représentant le soleil et l’autre, la lune. La façon dont le raconte son nouvel ami le fait néanmoins sourire, voir rire. Ce n’est pas amusant en somme, mais imaginer ces créatures sourire de toutes leurs dents pour faire le beau, ça a un côté un peu ridicule tout de même.
Ce fut de courte durée, car à nouveau, le demi-vampire lui avoue une bien triste anecdote au sujet de la beauté. Hippolyte trouve ça beaucoup moins drôle, d’un coup. Il n’ose imaginer un visage couvert de larmes de sang et un frisson le traverse même. La boîte de gâteau tendue par le Poufsouffle est salvatrice quelque part, car prendre un autre biscuit va l’aider à ne pas trop finir comme une flaque terrifiée au sol.

« Non, je ne savais pas. J’ose à peine imaginer. C’est gentil en tout cas. J’aimerais que plus de personnes pense comme toi. » Il croque dans le cookie et finalement, le blond retrouve un semblant de sourire timide. Bref ! Car sitôt la question de Kesha arrive, il manque de s’étouffer. Ainsi donc, il n’avait pas lâcher le morceau.

Misère.

D’autant que celle-ci le renvoie directement à l’incident du train et Hippolyte a bien du mal à garder sa prestance. Il se met à trembler, soudainement bien couard et fragilisé à l’idée de mentir. « J-je sais pas… J-je parlais de l’Amour. Pe-perde l’Amour, c-c’est ma-masculin, le mot Amour, alors je… » Pourquoi a-t-il fallu que Kesha gratte le sujet ? Cela dit, ce n’est pas tout à fait un mensonge. Hippolyte ne savait réellement pas s’il aimait les garçons, quand bien même son premier baiser ACCIDENTEL fût avec un jeune homme. Ce n’était pas désagréable cela dit, il fallait bien se l’avouer. Non ! Non-non, il ne fallait pas se l’avouer ! Autrement, ce serait peut-être tombé amoureux et si ce n’était pas la bonne personne, il aurait le cœur brisé pour tout le restant de sa vie ! Quelle erreur de débutant.  

La panique intérieure se fait de plus en plus grande et Kecha peut voir de ses propres yeux ce dont parler un peu plus tôt Hippolyte. Cette apparence monstrueuse qui grapille des centimètres de sa chaire au fur et à mesure qu’une émotion forte l’envahie. Ce teint terne, grisâtre, plus pâle encore que sa propre peau vampirique et ses cheveux d’ors qui blanchissent, comme s’ils n’avaient jamais vu le soleil. Ses yeux se gorgent de sang, noircissent et ; il vaut mieux ne rien dire à ce sujet, car il risque d’être coincé dans une boucle infernale. Tout comme ce fût le cas dans le train. Madame Holmes a passé le restant de son trajet à devoir le calmer pour qu’il ose à nouveau sortir, après tout.

L’élan de panique qui envahie Hippolyte à cet instant n’avait malheureusement rien à voir avec Kesha. Du moins, le malheureux n’y était pour rien directement. Difficile d’en vouloir à qui que ce soit d’être curieux. Certain en serait même flatter !
C’est plutôt le souvenir et le déroulement de celui-ci qui sont à l’origine de ce changement de teinte. C’était également tout ce qui gravitait autour et le Gryffondor lui-même qui s’inquiétait, qui se prenait la tête. Est-ce qu’il n’aurait pas mieux fait de se taire et de laisser couler ? Est-ce que ça avait fait le tour des couloirs ? Est-ce qu’on allait continuer à l’emmerder avec ça toute l’année ? Probablement oui et c’est l’une des raisons pour laquelle, à la base, sa mère ne voulait pas qu’il soit scolarisé avec d’autres sorciers.

Il devait s’y attendre et il s’y était préparer. Malheureusement, il est prisonnier de cette anxiété et le fait de ne pas se sentir suffisamment malin, d’avoir l’impression d’être qu’un idiot et de ne pas réussir à ressortir la tête de l’eau font que justement, il ne parvient pas à retrouver son calme tout seul. Trop de pression, auto-infligée, sur ses épaules.

Présentement Hippolyte n’avait envie que d’une chose, s’enfuir. Ranger ses affaires et partir pour se cacher et cacher cette laideur, ce revers de la médaille, qu’il considérait comme son vrai visage et pas une belle façade. Cependant les mains de Kesha l’empêchèrent de ranger ses affaires et le surprirent. Ce regard rougeoyant, monstrueux, où on ne pouvait même plus discerner la pupille du globe oculaire puisque les deux étaient dotés de la même couleur, se figea sur le demi-vampire. « Tu ne pars pas en courant ? » souffle-t-il, surpris par la réaction de Kesha. C’est la première chose qui lui traverse l’esprit, à tel point qu’il donne l’impression qu’il n’a pas écouté ce que venait de dire le demi-vampire. Une interrogation incontrôlée, qui sort spontanément de sa bouche.

Un temps de pause se fait. Un temps où Hippolyte doit réaliser ce qui se passe, l’interpréter et réagir en conséquent. Un temps bienvenu, même si celui-ci le fait se sentir stupide. D’autant que les larmes de Kecha lui déchirent le cœur et lui donne envie de pleurer, lui-aussi.

Un temps coupé par le cri d’une fille, qui s’était enfuie en courant en voyant le demi-vélane dans cet état. Une coupure nette dans ses pensées, un retour à la réalité, alors que cette jeune sorcière avait eu une réaction tout à fait normale pour les mœurs de cette époque. « T-tu ne m’embêtes pas. Tu … Tu n’y es pour rien. » Son ton était froid. Même sa voix avait perdu de sa douceur, de sa chaleur. Elle était rauque, comme subitement usée par les affres du temps. « E-excuses-moi, je devrais y aller… » Avec une certaine appréhension, Hippolyte fait s’échapper des mains de Kesha les siennes et s’en sert pour rabattre le capuchon de sa robe de sorcier sur sa tête, pour masquer la misère et permettre ainsi un profil bas dans les couloirs.

« C’est moi qui m’excuse… Je ne veux pas que tu te sentes mal à cause de moi. Mais ne t’inquiètes pas, ma proposition tient toujours. Tu dois me donner des cours de cuisine, après tout. » Derrière la capuche, il y a un sourire amer. L’idée d’écourter cette conversation ne lui fait pas plaisir, mais il se promet de ne pas en rester là et la prochaine fois, d’assouvir convenablement la curiosité de ce brave Poufsouffle. Pour le moment, c’est trop frais dans son esprit et trop sujet à des angoisses.