Dans cette cabane en bois, à l’orée de la forêt, il y avait un peu de lumière. Un faible éclairage, mais assez pour briller tel un phare dans la pénombre. Il n’y avait aucun bruit aux alentours. Peut-être quelques cris d’animaux fantastiques nocturnes, quelques grillons, mais rien de semblable à ce qui peut s’entendre en journée.
La silhouette d’Igor faisait des allers-retours, jusqu’à s’arrêter devant la fenêtre. Il semblait pensif, embêté, pris au dépourvu. Sa tête baissée laissait comprendre que celui à qui il faisait la discussion, ce n’était nul autre que son chien. Son gros toutou. Ça ne pouvait pas en être autrement. Les élèves n’ont pas le droit de venir le voir à une heure aussi tardive et le personnel à autre chose à faire de leur soirée.
La porte s’ouvre. L’intérieur, chaleureux, se voit privé de son unique lumière. Il avait soufflé sur les flammes de ses chandeliers, puis le voilà qu’il sort avec une lanterne dans ses mains. Par automatisme, sa main vint serrer le col de sa veste. Elle n’était pas très épaisse, mais son col en fourrure était très confortable. Il l’appréciait pour cela.
Il avait entendu dire qu’à peine quelques semaines après la rentrée, des élèves téméraires jugeaient bon de se promener dans la Forêt Interdite. Cela l’avait profondément soupiré, mais également mis extrêmement mal à l’aise, car certain n’avait pas loupé l’occasion de remettre en question son efficacité sur ce poste, déjà mise à mal l’année précédente avec l’incident qui s’y était produit. Les mauvaises langues bien vite coupées courts par le professeur de Magie Noire, rappelant à chacun d’entre eux que s’ils sont si doués et si irréprochables, ils n’ont qu’à prendre sa place en tant que Garde-Chasse. Ils verraient alors par eux-mêmes toute la difficulté de la tâche.
Malgré ces quelques erreurs, qui peuvent se compter sur les doigts d’une main, cette forêt restait le terrain d’Igor. Il savait que sa présence était acceptée et espérait revoir l’une des créatures qu’il a nourri et soigné. Cela apporterait un peu de joie à cette ronde.
Spoutnik se tenait à côté de lui. Il marchait, puis trottinait parfois pour rattraper son maître. La langue pendante, le Terre-Neuve dégageait beaucoup d’innocence et d’insouciance, en comparaison à la moue grave de son maître. « Ne t’éloigne pas trop et ne met pas ta truffe n’importe où, tu veux ? » fait remarquer Igor à son chien, avec un léger sourire en coin sur son visage. C’était comme s’il ne l’avait pas écouté. Pour preuve, le voilà à revenir avec un bâton, suppliant du regard son maître de le lui lancer.
« On n’est pas là pour ça. » tente de faire comprendre Igor à son chien, mais il continue d’attendre. « Tu entends vraiment que ce qui t’arrange. D’accord, mais une seule fois. » Étrangement, Spoutnik avait entendu cette fois-ci, confirmant ainsi les dires de son maître. Igor saisit le bâton et le lance. Suffisamment loin pour que son chien fasse un peu de sport, mais pas trop pour continuer de les avoir en visuel. Ça serait fâcheux que ça soit un Centaure qui les lui ramène. Son chien et le bâton.
Distrait par ce jeu improvisé, une voix le surprend. Igor trésaille, au point de manquer de faire tomber sa lanterne d’ailleurs. Cependant, il la garde bien en main et se tourne vers ; « Wilfried ? Mais, euh je … » Travail ? Ça n’en a pas l’air. Confus, il ne sait pas comment se tenir devant toi. La surprise fait encore effet et il ne laisse pas la rancœur décidée de ses premières paroles pour lui. Cela faisait si longtemps…
Il n’aura pas besoin de répondre à ta question. Tu le vois d’ailleurs acquiescer de la tête pour confirmer tes dires un peu maladroitement, puis reprendre : « J-je … te … retourne la question ? Personne n’est censée être là, à cette heure-ci. » Maintenant qu’il replace les morceaux, il prend subitement des distances. Sur l’instant, ça ne va pas trop te surprendre. Il le faisait déjà avant. Cela dit tu lui as menti pendant de longues années et il t’a même pleuré. Alors te revoir parmi les professeurs, à la cérémonie de répartition, ça installe de la confusion. « Tu… Tu m’as l’air … En forme. » Bien que rancunier, Igor n’a pas le même mordant que certains membres du personnel et il se retient, car il est tiraillé entre la joie et l’amertume. Tu n’es pas la première personne qui lui ment, mais tu es le premier ami qu’il a eu ici et qui l’a fait pour le tenir éloigner de ta personne.