L'air venait caresser les joues de la jeune fille, qui brillaient face au doux reflet de l'eau à la couleur de l’asphalte. L’écolière aux yeux cernés bailla un bref instant… Puis s’étira en faisant de nombreux exercices dignes d’un véritable sportif sur ses deux pieds. Il le fallait si on voulait retrouver la motivation pour réviser dans ce court laps de temps, celui qui séparait la fin des cours à l’heure du repas du soir.
S’accordant une petite pause passagère, Gretel admira en mettant ses deux mains derrière la tête, la tranquillité du lac avant de s'allonger sur l'herbe sèche. C'était là le résultat d’une verdure devenue brune, à cause de la saison caniculaire de cet été... Songeuse, elle soupira :
Quelle tristesse de voir des végétaux assoiffés face à une grande étendue d’eau… N’est-ce pas aussi malheureux que d’imaginer des sorciers coincés dans un désert… Salivant face au mirage d’un oasis ? De sa mine triste, la jeune élève leva la tête vers le ciel, espérant de tout son cœur que des pluies diluviennes tomberaient de nouveau en automne.
Malheureusement, chaque seconde était comptée … Alors, Gretel prit le peu de temps qui lui restait pour attraper son ouvrage : « Forces Obscures : Comment s’en protéger » quand soudain, une voix ou plutôt un son de détresse capta son ouïe fine : une succession de cris s’en suivirent.
L’esprit aux aguets, elle aperçut près d’elle un équidé qui brisa l’interface entre l’eau et l’air, pour y sortir le bout de ses naseaux et de sa crinière. Celui-ci arborait une robe sombre très particulière, se fondant à la perfection avec la couleur des abîmes. Des algues et des mousses entouraient sa tête spectrale, et de nombreuses blessures semblaient lacérer son corps :
« Pauvre cheval… Qui a bien pu te faire pareille misère… »
Souffla-t-elle en tentant de s’approcher de l’animal, clopin-clopant, sans ses deux béquilles. Il lui arrivait de tenir quelques minutes ainsi mais très vite, la douleur la ramenait à la raison et ses jambes cédaient sous la pression… Cependant, bien vite, le corps se détacha de la souffrance qu’elle pouvait ressentir.
Lorsqu’elle toucha le crâne de la bête pour tenter de la rassurer, une forme d’envoûtement prit possession de son âme. Elle se sentit partir, légère comme une hirondelle. Elle ne pensait plus à rien et avait l’impression de léviter… Savez-vous, connaissez-vous, comprenez-vous ?
Cette sensation proche de celle que l’on pourrait avoir en déployant ses ailes ? Comme si l’on n’était plus en possession de soi-même, comme si l’air et le corps ne faisaient plus qu’un, comme si l’on n’existait plus que pour le ciel. Ce sentiment de béatitude, ce calme loin des tracas de la vie courante était si agréable à vivre… Que Gretel n’entendit que très faiblement une voix humaine hurler dans ses oreilles. Ce devait être une illusion, ou juste un…
… Étonnant personnage qui la malmenait à la secouer dans tous les sens. Elle sentit d’un coup des douleurs horribles dans la jambe droite à la faire flancher, un mal de crâne à faire frémir les plus douloureuses migraines. Elle cria à pleins poumons face à ce contrecoup énorme. Dur retour à la réalité. Elle se frotta la tête, puis observa le monde : l’animal noir laissa place à un humain à la peau sombre. Devenait-elle folle, ou bien ? … Celui-ci se mit à parler :
« Comptais-tu te noyer ?! Aussi jeune, quel gâchis ! »
Elle l'observa, la bouche béante, pendant qu'il la ramenait sur la terre ferme. Qui était-il ? Qu'était-il ? Une illusion, une créature ? Pouvait-on trouver dans ce monde des humains à la peau non-blanche ? Cet individu était si grand et elle si petite à côté de lui, surtout ainsi diminuée sur le sol à se tenir la jambe en serrant des dents...
« Êtes-vous... êtes-vous bien réel ? »
Termina-t-elle par bredouiller, le visage hagard.
Son mal de tête commença à diminuer peu à peu, mais l'étrange homme ne s'en allait pas pour autant... Terrifiée, elle se hissa jusqu'à son sac pour tenter de récupérer sa baguette magique qui roula jusqu'à lui. Ne pouvant se retenir de grimacer, elle cacha son visage derrière son livre qui trainait non loin de là, puis lui hurla dessus, apeurée :
« NOON. A L'AIDE !! VOUS NE M'AUREZ PAS VIL ÊTRE ! LES HOMMES MARRONS, CA N'EXISTE PAS ! »
Elle pensait avoir à faire à une sorte de Harpie, ou peut-être à une sirène qui n'osait pas se faire démasquer... Gretel n'en savait que trop rien. Ce qui était sûr, c'est qu'elle n'avait que les mots pour elle dans son état.