Le rouge est la couleur de la passion, mais aussi du sang versé | ft. Sacha

Les rumeurs vont vites. Bien trop vites, diraient même certains. Malgré leurs vélocités, le mage noir maintient sa sourde oreille. Il avait sans doute mieux à faire que de prêter attention à ses rumeurs. Cela faisait maintenant quelques mois qu’il avait pris son poste à Poudlard. Ses premiers cours avaient été donnés, mais un gout de déception continuait de lui gâcher sa vie de professeur. Peut-être est-ce le titre en lui-même ? Ou bien l’ennui ? Impossible à dire. Lui-même n’avait pas de réponse à cette question et ses multiples escapades ne sauraient lui faire oublier celle-ci. Pris par une sensation d’avoir oublié quelque chose de terriblement important, bien plus que celle-ci ne laisse croire, il s’était agacé seul dans son bureau. Son attention était revenue sur un pentagramme bien inquiétant, d’où des hurlements semblaient jaillir, implorant sa pitié pour qu’ils puissent sortir.

Après avoir feuilleté un grimoire signé de la main d’un certain Raczidian, qu’il faisait léviter au-dessus du sol grâce au sortilège adéquat, il avait refermé violemment celui-ci et s’était rapproché de ce cercle magique tracé au sol.

Un profond désir d’être servi suffisait ? Foutaise. La loyauté ne se gagne pas par caprice et usant d’une très vieille magie, Zakhar s’était ouvert la main pour que son sang puisse s’en échapper et avait celui-ci dans le cercle. Il marmonnait ce qui ressemblait à une formule d’invocation. Il récitait ce qu’il avait lu et finalement, les cris cessèrent un bref instant pour laisser la place à une ombre drapée de noir. Elle était imparfaite, plus petite que ses semblables, de la taille d’un enfant d’une dizaine d’année, mais avait tout d’un Détraqueur. Elle attendait visiblement ses ordres et sans un mot, le mage noir lui faisait dos et pressentant une visite, il s’était mis à esquisser un sourire.
Il fit signe à ce drôle de spectre de le suivre jusqu’à sa salle de cours et une fois celle-ci atteinte, il lui indiqua la table ronde qui accueillera, prochainement, son cours sur la nécromancie où cette chose l’assistera probablement pour une démonstration avec d’autres monstruosités frôlant le manque d’éthique.

Elle s’installa sur une chaise, comme si elle s’était assise, mais n’étant qu’un spectre de la mort, elle flottait plutôt au-dessus et ne donnait que l’illusion d’une posture assise.

De son côté, le professeur avait disparu et à la place, un chat noir avait bondi pour s’installer en équilibre sur la rambarde du balcon de la salle. Ses deux perles jaunes dévisageaient le centre de la pièce et sa queue battait nerveusement de gauche à droite, illustrant son impatience à l’idée de découvrir qui était la petite sourie curieuse ou téméraire, qui venait de le déranger pendant ses préparatifs.  

Alors que Sacha s’adresse à cette sombre créature, celle-ci reste immobile. Elle semble écouter, mais ne pas réagir. Ce serait comme parler métaphysique à un bébé ; il se contenterait de regarder, d’écouter, mais de ne pas comprendre ce langage que seul le temps lui permettra de maîtriser. La silhouette enfantine drapée de noir se contente donc de simplement suivre du regard Sacha et de tourner la tête vers lui, lorsqu’il choisit de rejoindre le chat noir. Le félin le dévisage avec ses yeux jaunes et sa queue bat de gauche à droite. Quelle étourderie ! C’est vrai, il avait fait couler son sang. Il portait tellement peu d’intérêt à la nature demi-vampire de Sacha, qu’il en avait complètement oublié que l’odeur pouvait le titiller.

Le matou s’était donc mis à lécher sa patte avant gauche, pour tenter tant bien que mal de masquer l’odeur et toute trace de blessure sur son pelage noir. Diantre, il ne voulait pas que l’on s’occupe de lui ! Surtout un demi-vampire !

Cependant, cela ne l’empêchait pas de s’arrêter de temps en temps pour l’écouter parler et réciter le conte du Chat Savant. Si seulement son visage n’était pas celui de l’animal, il y aurait probablement eu l’ombre d’un sourire flatté sur celui-ci, au point que celui-ci a totalement cessé de lécher sa patte. Allons bon ; si cela peut lui permettre d’observer l’addiction du sang chez les demi-vampires. Il sait que chez les vampires, cela ressemble à une drogue et que le sang d’humain leur est très précieux. Autant chez leurs enfants bâtards, il n’en a aucune idée.
Si “bâtard” n’était pas pensé avec grossièreté, mais dans une optique purement généalogique, c’était aussi le mot qui lui traversa l’esprit lorsque Sacha utilisa le sortilège Accio sur sa personne. Un miaulement avait percé sa gueule et ses griffes étaient sorties par réflexes pour s’accrocher au bois de la balustrade sur laquelle il s’était installé.

Cette tentative d’ancrage fût bien évidemment un échec et après un court moment à léviter dans les airs, le voilà à atterrir dans les bras du blondinet. Un ultime “fils de catin” miaulé sort de sa gueule, puis quelques secondes s’écoulent avant que le calme ne revienne. Fort heureusement d’ailleurs, car la silhouette noire s’était rapprochée dans le dos de Sacha, alerté que son maître se soit pris un sortilège.

L’approche de cette créature avait déclenché un froid saisissant, mordant et terrible. Même le félin semblait y être sensible et d’un coup, peut-être pour calmer l’esprit de son jeune Détraqueur, il se met à ronronner et à se tortiller dans tous les sens pour offrir des câlins au demi-vampire. Sa tête se frotte contre son torse, sa queue caresse le bras de celui-ci et il se contorsionne dans tous les sens pour trouver la position la plus confortable pour mêler câlin et aisance.  

Une attitude très affective qui convainc la créature de retourner à sa place, de dissiper le froid mortel et de permettre à Sacha de regarder sa patte blessée sans souci ni menace…
 

Ce n’était que de la pure comédie pour amadouer, pour soudoyer avec ce qu’il possédait sous la patte. Le matou n’était pas dans la plus désagréable des postures et il appréciait que son sombre pelage soit flatté de la sorte. Cela dit, cette tignasse d’une couleur fort ; osée ! Pour ne pas dire ignoble, le gênait. Son museau était chatouillé par les mèches couleurs guimauves et ses crocs cherchaient à les saisir. Il se risquait même à en balayer une avec sa patte. Elle était si bien brossée, cette chevelure, que ses griffes glissèrent entre les cheveux du demi-vampire sans s’accrocher dedans une seule fois. Son attention est saisie par la première tirade et sa conscience humaine réagit presque aussitôt. Narcissique, lui ? Peut-être. Le chat noir reprend un air sérieux, comme pour transmettre inconsciemment un message, avant de redémarrer la machine à ronron. Les gratouilles derrière ses oreilles pointues, argh ! Son point faible.

Cela aurait pu durer longtemps, si seulement Sacha ne s’était pas vendu tout seul. Ou plutôt, n’aurait pas vendu Igor en ayant, lui-aussi, la langue bien pendue. Il arrête de jouer la comédie (même s’il y avait une part de sincérité dans celle-ci, à apprécier les caresses) et petit-à-petit, sous la joue de Sacha, le pelage disparu pour une tignasse bien humaine, sombre, noire. L’odeur était toujours aussi douce cela dit, car c’est un individu très propre et maniaque, mais la grandeur du matou, elle, devenait insupportable pour les genoux du Serpentard et ceux-ci ne suffisaient plus. Si bien que la silhouette se remet debout, sur ses pieds, face à son élève.

La cocasserie étant que, puisque Sacha tenait Zakhar dans ses bras lorsqu’il était encore sous sa forme de chat, le demi-vampire est en train de pendre littéralement au cou de son professeur de magie noir. Ce dernier le toise d’un regard ; difficilement déchiffrable. « Tu disais ? » D’autre ronronnement ; ceux de son accent cette fois-ci et de cette pointe de vice.

Bien moins timide que le garde-chasse, il parvient à s’amuser de la situation et même, à ne pas repousser Sacha. Il le fera de lui-même de toute façon, s’il est suffisamment censé. Au lieu de cela, bien qu’il sourît encore comme le chat de Cheshire, il semblait agacé : « Ça ne me gênera pas de recommencer. S’il n’y avait pas de domination, il n’y aura pas de rébellion et personnellement ; j’adore quand on me résiste. Je trouve ça ; Palpitant. Mais je suppose que tu n’es pas venu parler de ça, hm ? »
Ses mots étaient à la fois violents et doux. Sa voix aussi autoritaire que suave, mais elle était gâchée par un rugissement étouffé sur la finalité. Le Professeur Grishin souriait, mais il était prêt à mordre et c’est sans doute cette idée qui l’exaltait. Arracher la chaire d’un hybride avec ses crocs et le saignait jusqu’à ce que mort s’en suive pour le punir de son manque de respect.

Sacha n’avait visiblement pas retenu la leçon de la dernière fois.
Qu’à cela ne tienne, Zakhar est prêt à lui accorder la présomption d’innocence. Ou une faute d’étourderie. La réaction risque d’être suffisamment amusante pour faire oublier au mage noir la petite étourderie de Sacha.