"Installez-vous" fussent les ordres du maître de soirée et inutile de dire que le mage noir ne s’était pas fait prier. À force de crapahuter à gauche, à droite, à tous les étages et à tous les sous-sols pour disperser ces fichus cartons d’invitations, il en avait plein les pattes. Cela promettait d’être amusant, cette petite soirée, mais une part de lui-même n’avait qu’une envie : aller se coucher. Zakhar avait fourni des efforts ou plutôt, il avait choisi de faire une pierre deux coups en se prêtant au jeu. Lui qui détestait tant les vampires, qui s’en moquait ouvertement, à se grimer pour leur ressembler, c’était sa façon de dire que leur mythe effrayant ne valait pas mieux qu’une grotesque farce pour faire peur aux enfants.
Même assis, il avait besoin d’être en hauteur. Il avait besoin de se sentir au-dessus des autres, pour les dominer. C’est donc tout naturellement qu’il avait choisi l’une des plus grosses citrouilles et qu’il s’y était hissé. Bien que cela soit l’homme, son agilité était digne de son animagus. Il écoutait, avachi sur son trône-potiron et à moitié adossé à celui du voisin, alors qu’il utilise sa magie pour éviter de bouger, afin d’attirer une bouteille de vodka et s’essayer à un drôle de mélange. « Je ne t’en propose pas, j’suppose… » soupire-t-il à l’attention d’Igor, qui grognait presque d’avoir été coupé dans son immersion. L’homme loup-garou embrasé hocha négativement la tête et sous son masque, de gros yeux étaient fait pour rappeler qu’il devait montrer l’exemple et donc, ne pas boire d’alcool devant les élèves.
Inutile de dire que cela a été terriblement inefficace.
Le Professeur Grishin n’était pas du tout effrayé de l’histoire narrée par Sacha. À en croire son sourire, il avait même l’air d’être satisfait de l’écoute, voir amusé. Il n’était pas étonné par celle-ci, car de tels évènements à probablement eut lieu quelque part dans le monde. Avec tous ces tordus trouvables…
Si bien que lorsque Sacha était venu dans son dos, il n’avait pas bougé. Zakhar se permettait même le luxe de siroter son verre, comme s’il n’avait rien vu, entendu ou senti. La dernière gorgée, celle qu’il prenait pendant son commentaire, était un peu plus amer. Il ne lui faut pas longtemps pour entrevoir l’air d’Igor, aussi agacé que surpris, ce qui le fit ricaner. « Tu sais ; Sa mère est russe. C’est sa deuxième langue maternelle, alors ; Quitte à lâcher une bombe, ne t’embêtes pas à changer de langue. Je prends bonne note de la requête, cela dit. » Moqueur, le mage noir ne s’arrête pas là. Il a bien vu que le Serpentard cherchait à se servir dans sa bouteille, si bien qu’il avait jeté un maléfice sur celle-ci pour la rendre affreusement brulante au touché. « Niet, interdit aux gamins. »
S’il y a bien une chose que Zakhar refuse de partager après sa connaissance dans les arts sombres et maléfiques, c’est bien sa vodka ! Pour la peine, il s’en ressert un verre et ce n’est pas le premier, ni le deuxième, ou encore le troisième. Non. À en juger par la quantité restante dans la bouteille, il se situe plutôt autour du dixième. « Igor ! Mon prince des ténèbres, mon roi d’Halloween ! Puis-je, Ô mon monstre favori, ajouter un peu de piment à cette soirée et à mon tour ; raconter une histoire à faire trembler des squelettes et pleurer dans les chaumières ? » À ses paroles aussi théâtrales que moqueuses, il accompagne les paroles de geste. Il s’était levé pour aller s’appuyer sur l’épaule du maître de cérémonie, un sourire carnassier (accentué par les canines pointues vampiriques) sur le visage et un air faussement innocent.
« De toute façon, même si je te dis non tu vas quand même le faire, alors… » Le ton du garde-chasse n’était pas dépité. Bien au contraire, il semblait amusé. Contrairement à son homologue adulte, il n’était pas resté de marbre face à l’histoire de Kesha et il avait eu quelques coups d’œil en arrière, comme méfiant.
Zakhar semblait s’amuser lui-aussi. C’était un grand enfant, pressé de raconter son histoire. Ses yeux dorés pétillaient à l’idée de les terroriser et puisqu’il ne fait pas les choses à moitié, il met les moyens pour rendre l’ambiance plus morbide. Sa baguette sort de sa manche, car c’est bien connu qu’il l’a toujours sur lui. Il porte le bout de celle-ci à hauteur de ses lèvres, puis souffle dessus. Un filet de poussière s’en échappe, fourni en paillette argentée verdoyante, qui vient s’échouer dans le feu crépitant au centre. Celui-ci devient alors d’une couleur bleue et sa lueur rendait les visages autour plus cadavériques les uns que les autres. « C’est l’histoire d’un jeune homme qui vivait dans de lointaine contrée. Il était le fils d’un sorcier aux pratiques plutôt douteuses, mais étonnamment sage. Ces pratiques avaient suscité bon nombre de colère, de jalousie et de méfiance. Comme toute chose devait avoir une fin, la haine à son encontre avait atteint son paroxysme. Le jeune homme, qui n’avait rien demandé d’autre que de pouvoir être aux côtés de son unique parent, reçut d’abord des lettres de menace qu’il ne prit pas aux sérieux. Son père le mit néanmoins en garde contre la folie des hommes et malgré toutes les protections qu’il mit en place pour protéger son fils unique, les menaces ne se tarissaient pas. »
Un nouveau tour de magie se fit et des cris de colère sortirent des flammes. Des grognements, des aboiements, des injures en russe mirent une sinistre mélodie en place pour accompagner le récit du professeur. « Alors que son père était parti, il entendit taper à la porte. D’autres hommes criaient sa mise à mort de l’autre côté et le jeune homme, terrifié dans un coin de la pièce, le plus éloigné de la pièce et des fenêtres possible, dévisageait cette dernière en priant pour qu’elle ne cède pas. Un carreau s’était brisé, puis un deuxième. Des chiens passèrent à travers les ouvertures et laissèrent dans leurs sillages des traces de pattes ensanglantées, s’étant coupé avec le verre brisé. Le garçon s’était échappé à l’aide d’une poudre de cheminette de la bicoque dans laquelle ils avaient trouvé refuge et s’était téléporté dans ce qui fut sa demeure, avant qu’ils n’en soient chassés par la force des choses. »
Du feu se mit à jaillir de la fumée et le tour de passe-passe utilisé avec les troisièmes années pour son cours fut réitéré. Cette brume verdâtre, semblable à celle dans lequel est formé des images lorsque l’on plonge dans une Pensine, se mit à dessiner une foule en colère, armée d’étrange baguettes qui crachèrent le feu dans un bruit assourdissant et des cris des innocents pris dans la tempête.
Le décor était somptueux, si seulement celui-ci n’était pas en feu. Un palais digne des plus grands tsars, dans lequel s’entassait des miliciens. Chacun brisait les serrures en quête de quelque chose ou de quelqu’un, mais le plus étrange étant que dans ces images, à aucun moment, le héro de cette histoire n’apparaissait. Comme si c’était à travers ses yeux que les gosses présents pouvaient voir son récit. Tout disparu pour se reformer en une unique pièce, où était présent des silhouettes plus grandes, adultes sans aucun doute. « Lui qui voulait avertir du danger imminent en fuyant, il les avait menés à eux. Pourchassé, blessé par une magie inconnue qui ne semblait pouvoir être guéri, il entendit les monstres derrière lui se rapprocher encore et encore, jusqu’à sentir leurs armes frôler sa joue, alors qu’il faisait face à son père. Un bruit retentit et sa vision devint trouble. Face à lui, son père avait le crâne transpercé par un projectile. Le monument qu’il était à ses yeux s’effondra au sol et le sang coula jusqu’à ses pieds. Ne souhaitant croire ce qu’il voyait, il se mit à ramper dans le sang de son propre père. Ses mains, ses habits et même son visage en étaient éclaboussés. Il pataugeait dans celui-ci et sa magie, dont il était si fier, ne refermait pas la plaie, ne le ramenait pas, alors que ses assassins continuaient leur fusillade. Les belles tapisseries et les dorures furent recouvertes de rouge, alors que la détresse alimentait ses propres démons. Refusant de lâcher prise, d’abandonner, il finit par hurler sa rage et disparut dans les ténèbres en jurant de se venger de chacun d’entre eux. »
La brume, qui illustrait chaque détail de la scène racontée, même les plus sanglants, finit par disparaître d’un revers de main. Le feu reprit sa couleur normale et le Professeur, grandiloquant, conclut calmement son histoire en se servant un nouveau verre sans en dire plus. Son sourire en coin, si caractéristique de son insupportable attitude, avait perdu de sa superbe, mais il était toujours là.
Igor semblait triste, mais il se fit respectueux en se taisant et en ne faisant aucun commentaire. Par immédiatement en tout cas. « Tu as trop bu. » - « Hm, j’dirais plutôt pas assez, mais c’est une question de point de vue, j’imagine. »
HRP • Zakhar surprend Sacha, étant donné le résultat du dès et jette un maléfice sur la bouteille pour l'empêcher de la saisir. S'il y touche, ses mains seront brulés (et pas qu'un peu).