A la fin d'un cours (ft. Professeur Grishin) (FINI)

« Tout le monde dehors. » avait-il lancé avec fracas et sans transition à ces mômes. C’était d’ailleurs assez brutal.

Sans discontinuer, si ce n’est lorsqu’un courageux posait des questions, le Professeur Grishin avait présenté ce qui les attendait en continuant dans cette voie obscure qu’est celle de la Magie Noire. Il avait cela dit arrondi les bords, précisant que chacun d’entre eux ici présent l’avait déjà au moins pratiqué une fois sans réellement s’en rendre compte. Son fort accent rendait la compréhension difficile. Chacun ici présent entendait que des mots étaient parfois tellement déformés, qu’ils en devenaient incompréhensibles. Ils n’osaient pas lui demander de répéter, car leur professeur semblait très porté sur le “marche ou crève”. D’autant qu’il préférait les petits comités autour de cette unique table de cours au milieu d’une arène d’estrade et d’armoire, alors si certains déclaraient forfaits ; ça lui allait !

Le souci de la langue passé, il était terriblement prenant. Si prenant qu’au bout du compte, aucun n’avait vu le temps passé. D’où cet effet de marteau sur la tête lorsqu’il avait congédié tout le monde. Avant que tout le monde s’en aille, il avait pointé du doigts l’un de ces troisièmes années : « Toi. Attrapes. » Zakhar lui lança quelque chose. C’était si petit que c’était difficile de le discerner. Un peu maladroitement, l’élève de Serdaigle l’avait saisi et entre ses doigts, une petite matriochka se trouvait. « Je te conseille de ne pas la perdre. Maintenant files. » L’élève hocha la tête et se fut le dernier à sortir.
Satisfait d’avoir enfin la paix, il s’était mis à gravir les escaliers menant à l’étage supérieur de la salle, mais il fut interrompu. Un jeune homme blond, qui ne lui laissa pas le temps de parler. De quoi lui faire étirer une grimace. Il pousse un soupir tel que cela ressemblait à un feulement. Au moins, il avait remarqué de lui-même qu’il le dérangeait et il s’en était excusé. Ce qui réparait les pots cassés, on ne va pas se mentir.

D’autant qu’il était lui-aussi russe. Peut-être est-ce sa profonde camaraderie qui ressurgit et ses miettes de compassions pour les sorciers qui partagent les mêmes origines que lui, mais le Professeur cesse de grimacer. Il ne sourit pas, mais il ne semble plus contrarié. Il est parfaitement neutre dans son explication et se contente de redescendre ses escaliers. « Da. Je suis russe. Pour le meilleur et pour le pire. Ça ne me dérange pas et je doute que les murs soient habitués à un tel dialecte, alors si secret tu as à cacher, il vaut mieux en parler entre ruskov, comme ils disent. » À la fin de sa descente, Zakhar désigne d’un geste de la main cette fameuse table où les élèves s’asseyaient pour l’écouter, faisant ainsi comprendre à Sacha de choisir une chaise et de prendre place.

Une table qui était richement décorée. Des phrases écrites en langue runique cerclaient les représentations allégoriques des préceptes de la magie. On y retrouvait également un triangle pour représenter les trois essences alimentant la magie et des figures de créatures aussi légendaires qu’ancestrales. Une multitude de symbolique liée tout cela entre eux et l’ensemble faisait penser à un vieux cercle d’incantation magique éteint.

Il les avait toute à sa disposition. Son professeur attendait qu’il choisisse pour prendre place sur celle opposée à la sienne, afin de l’avoir face à lui. « Dis-moi quelle est ta question ? Je suis curieux de savoir sa nature et la raison pour laquelle tu ne veux pas la poser en classe. » Avachi sur sa chaise, le Professeur Grishin s’accoude à la table et pose sa joue sur son poing. Il avait retrouvé le sourire, car il sentait quelque chose d’intéressant à se mettre sous la dent pour passer le temps.

Les deux individus prirent place autour de cette table ronde si particulière, car à cause de sa forme : aucune place ne permettait d’être plus éloigné. Ce n’était qu’une illusion. Une sorte de placebo pour apaiser ses peurs dans cette salle. Le professeur Grishin écoute ce garçon. « Hm… Peut-être. » La réponse est évasive et son attitude, agaçante. Il n’y avait pas de sérieux qui se dégageait dans sa voix, mais pouvait-on lui en vouloir d’aimer ménager le suspense ? « Dire que vous allez les étudier n’est pas tout à fait exact. Si vos Professeur de Défense Contre les Forces du Mal et d’Étude des Créatures magiques sont des personnes compétentes, vous les avez déjà étudiés. Non, disons plutôt que vous allez ; les redécouvrir avec moi. » Sa réponse s’étoffe et il détourne son regard pour observer les alentours.

Sa baguette, d’un noir profond à cause de l’ébène qui la constitut, se trouve dans ses mains. Il la fait jongler entre ses doigts pour occuper ceux-ci. Néanmoins, il n’ignore pas pour autant la présence de Vorobiev. « Ils le sont. Liés à la Magie Noire. Ils sont classés comme des êtres appartenant à la famille des morts-vivants. Tout ce qui touche de cette famille est liée à la Magie Noire, car elle a été utilisée pour les réanimer. » Le professeur cesse de jouer avec sa baguette et repose sa main sur la table, coinçant celle-ci en dessous.

Il semble se perdre dans ses pensées. Il était un peu agacé qu’on lui pose des questions sur le contenu d’un cours prêché dès le début de cette option. Cela étant, il s’y était attendu. On l’avait mis en garde ; il allait être souvent amené à se répéter.

Cela ne lui fait pas perdre ses airs taquins et exubérants, il s’exclame « Quant à comment tuer un vampire, AH ! » Cela a l’effet d’un coup de fouet, d’un réveil. Jusqu’à maintenant, sa voix était certes grave, mais cet accent de l’Est ronronnait et donnait la sensation d’apaiser l’esprit. Voir de l’endormir, pour les moins bien éveillés. Le fait qu’il hausse soudainement le ton ainsi, sans prévenir ni alerter, ou encore en donnant un indice, avait tout pour surprendre. « C’est très facile. Ils ne sont pas immortels, contrairement à ce que tout le monde pense. Ils dépendent du sang et à partir de l’instant où tu leur coupes l’accès, ils se dessèchent comme des vieux pruneaux. Ça dépend à quel degré de cruauté tu veux te placer, parce qu’ils sont en vérité faibles et fragiles. Ce ne sont que des parasites. En plus de ça, ils ne sont pas capables de pratiquer la magie, alors le moindre sortilège offensif peut faire l’affaire. Sauf ! »

Zakhar s’arrête. D’un mouvement vif, il pivote sur sa chaise, faisant voler sa robe de sorcier rouge. Son index se dresse entre les deux yeux de Sacha et de face, son sourire était encore plus large et plus perfide que de profil. Un vrai chat de Cheshire. « Le sortilège de la mort. Ce serait tentant de prendre un tel raccourci, mais ces créatures sont techniquement déjà mortes. Celui-ci ne sera d’aucune utilité. Au mieux, il l’assommera suffisamment longtemps pour que tu puisses transporter son corps inerte jusqu’à un beau bout de parcelle sans ombre, pour que la dernière chose qu’il puisse voir, ce soient les rayons du soleil. » Ses stratagèmes reflétaient une part de cruauté envers les créatures. Par qu’envers elles d’ailleurs ; envers à peu près tout ce qui était capable de respirer et qui ne répondait pas à ses convenances. « Pourquoi ça t'intéresse autant ? » C'est donnant-donnant, les réponses. Nuls doutes que le professeur Grishin n'allait pas en dire plus tant qu'il n'aura pas la sienne.

Sa langue claque. Son regard bascule vers le plafond, non sans donner une impression de fausse insouciance. Difficile à dire. Le Professeur Grishin ne semble pas agacé, mais il dégage une certaine tension. Il n’a pas l’air de prendre la situation au sérieux, avec son sourire permanent, mais ce dernier s’est crispé sur les bords. Quel effronté. Quelle petite tâche insignifiante. Quelle pauvre merde qui se croit plus malheureuse que tout le monde. « Snif, tu vas me faire chialer. Tu veux un câlin ? » lance-t-il en laissant tomber sa tête et par extension, son regard. Ce dernier dévisage à nouveau la petite tête blonde. De toute évidence, ce n’était pas un mal si Vorobiev n’avait pas étoffé sur sa tragédie familiale, car il espérait un peu trop de pitié de la part de l’individu face à lui.

Quoi qu’il en dise ou qu’il en pense.
Il n’aurait pas poussé cette “larmoyante” confession autrement.

Zakhar s’était levé. Il demeure silencieux et, au plus grand malheur de Sacha, celui-ci pourra remarquer qu’il ne peut plus bouger. Un sortilège informulé ? Sans doute. Visiblement la baguette de son professeur n’a pas été suffisamment mise en évidence pour qu’il entrevoie ce qui lui pendait au nez. Ou alors, son orgueil a pris toute la place dans son champ de vision.
Il a néanmoins eu la “politesse” de lui laisser finir sa tirade. Il n’avait pas “Bloclangué” sa parole et il avait pris le temps de venir jusqu’à lui, de se rapprocher suffisamment pour que ses bras prennent appuis sur le dossier de sa chaise et que ses doigts viennent effleurés ces cheveux, dont il semblait si pressé d’aller laver. « Mon garçon… » entame-t-il d’une voix calme, sans excès, grave et froide.

Zakhar baisse sa tête à juste niveau, afin de s’assurer de deux choses ; D’un part, que Vorobiev écoute bien ce qu’il s’apprête à dire. D’autre part, qu’il prenne note que ce n’est pas deux pauvres canines et le teint d’un cadavre d'un adolescent prépubère qui vont le faire trembler. « Je vais être aussi honnête avec toi que tu l’as été avec moi ; Je m’en fiche éperdument, de ta situation. Cela dit, tu m’amuses énormément, pour un Demi-Vampire. Ton ego a l’air si immense ; que tu as foncé tête la première dans un mur, sans même t’en rendre compte. N’est-ce pas magnifique ? J’ose espérer que ce n’est que de la mauvaise foi et que, si tu te prétends si intelligent, si ce n’est plus que moi visiblement, tu as réalisé ta faute et que tu tentes désespérément de te raccrocher aux branches. Que tu n’as pas foncièrement … Choisi de m’insulter, alors que tu me fais perdre mon temps ? » Il semblait si doux et pourtant, quelque chose n’allait pas.

Ses doigts vinrent caresser la nuque du jeune homme immobilisé, mais ce geste dégageait la même “tendresse” que les griffes d’un prédateur jouant avec sa proie, avant de lui déchiqueter la jugulaire. Ses lèvres s’approchent de son oreille et il lui murmure à celle-ci : « Bien sûr que non, puisque c’est moi qui les tue. Quand je ne les contrôle pas. » Ses deux solaires croisent les yeux de Sacha et une once d’espièglerie éclaire ceux-ci. Comme il peut le constater lui-même, ce n'est pas un mensonge.
« Tu ne sembles pas comprendre l’imbécilité de ton choix, alors laisse-moi t’expliquer. Vois cela comme une orientation dans ta recherche. » Ces chaines invisibles semblent soudainement se rompre et libérer le Demi-Vampire. Zakhar s’était redressé, sans pour autant s’éloigner de Vorobiev. Des filaments dorés se tracent dans les airs et il dessine un schéma. « Je peux faire mieux que t’apprendre à tuer un vampire. Je peux t’apprendre à créer un rival décent pour ton père, à faire de toi un vampire dans son entièreté pour que tu sois pleinement en possession de tes moyens d’outre-tombe ou encore, à prendre le contrôle sur l’un d’entre eux. La Magie Noire ayant créée les Vampires et tout ce qui appartient à la famille des Mort-Vivants, ils sont par défaut résistants à celle-ci. C’est comme si tu exposais deux même pôles d’un aimant face-à-face. Ils sont incapables de se toucher et se repoussent. Mais si tu exposes deux faces contraires, elles peuvent se toucher. Dooooonc ? »

Le Professeur Grishin cesse de dessiner dans les airs et pointe à nouveau sa baguette vers Sacha. Cette fois-ci, pas de maléfice informulé ou un nouvel embargo surprise. Simplement la mimique d’un chef d’orchestre. Ce dernier attend la réponse et espère que cette fois-ci, Vorobiev aura compris toute l’étendue de sa connerie en venant demander à un Professeur de Magie Noire de détruire une créature issue de la Magie Noire.